LE TEMPS QU’IL FAIT LE 7 NOVEMBRE 2014 – (retranscription)

Retranscription de Le temps qu’il fait le 7 novembre 2014. Merci à Olivier Brouwer !

Bonjour, nous sommes le vendredi 7 novembre 2014. Et il y a quelques jours, donc, j’avais rédigé un billet en soirée. Et ça m’arrive souvent, quand je l’écris très tard : au lieu de le mettre en ligne immédiatement, je le laisse reposer jusqu’au lendemain matin pour voir si je n’étais pas trop fatigué et le vérifier. Et donc, j’ai fait ça, et donc, ce billet, il s’appelait : « La question du soliton est devenue indécomposable ». Et le matin, au moment où je reprends ce billet pour le relire, je regarde la une du journal Le Monde, et je vois qu’il y a un compte-rendu d’un film dont, honnêtement, je n’avais jamais entendu parler, bien que ce soit le jour où il sort, et je regarde ça… et là, je m’arrête, parce qu’effectivement, eh bien, il se fait que ce dont parle ce film, c’est à peu près la même chose que ce dont je parlais dans mon billet.

Alors je me suis dit : « Eh bien, je vais d’abord aller voir le film », parce que, comme je l’ai dit, l’incompréhension de ces critiques devant ce film m’a donné le sentiment que le film était très important. Bon, ce n’est pas très gentil pour eux ce que je dis là, mais cette espèce de perplexité, de consternation, montrait qu’il y avait là quelque chose qui les dépassait complètement. Et donc, je suis allé voir ce film, qui m’a convaincu qu’effectivement, eh bien voilà, on parlait de la même chose.

Alors ça c’est toujours, eh bien, c’est toujours sympathique, sympathique non pas parce que le contenu serait sympathique, mais c’est sympathique, ça montre qu’on n’est pas tout seul : on n’est pas seul à penser aux mêmes choses au même moment. Voilà. Et donc, eh bien, le thème, vous le savez, c’est que notre espèce se trouve devant un problème d’extinction. Voilà.

Mon opinion à ce sujet a évolué. Elle a évolué parce que, honnêtement – et il y avait là une certaine candeur, une certaine naïveté, manifestement – au moment de l’effondrement de 2008, je me suis dit : « Bon, il est évident… Ce qui s’est passé est évident, est clair à tout le monde, les solutions sont également claires et évidentes et donc on va les mettre en application. »

Et là, je me suis aperçu, comme j’en ai eu la confirmation après, quand je me suis retrouvé devant des gens de la Troïka, euh… il ne suffit pas d’avoir raison, il ne suffit pas que tous les arguments aillent dans le même sens, il ne suffit pas que des faits aient complètement mis à bas une théorie qui ne tient pas debout : il y a des intérêts, il y a des intérêts qui peuvent conduire les gens au suicide, parce que le contraire du suicide : parce que la vie, met trop en danger leurs intérêts. Alors ils préfèrent, bon, c’est évidemment un mauvais calcul de leur part, puisque si c’est l’espèce elle-même qui est en danger, ils vont finir par disparaître, mais non : il vont nier le changement climatique, ils vont nier les dangers environnementaux, ils vont nier qu’il y a un problème avec la concentration de la richesse, quand 67 personnes ont autant que la moitié de l’humanité, et ainsi de suite. Ils vont nier que les robots nous remplacent dans des emplois, etc. Ils vont le nier, non pas parce qu’ils sont d’un autre avis, mais ils vont le nier parce que ce n’est pas leur intérêt de dire comment les choses sont.

Alors, quand l’enjeu est du type de ce que j’appelle le soliton, c’est-à-dire cette accumulation de, justement, problèmes environnementaux, problèmes de la complexité, robotisation, logiciels etc., non pas que ce soit une mauvaise chose, mais ce n’est pas maîtrisé, et système économique, financier, comme le nôtre, fondé sur une machine à concentrer la richesse, défendu par la fraude, par l’information asymétrique et ainsi de suite.

Alors, conclusion à laquelle j’étais arrivé, avant même d’avoir vu le film, vous avez vu mon texte : on ne peut plus séparer, c’est une question de vie ou de mort pour l’espèce. Et donc, c’est sympathique qu’il y a ce film, ce film qui est très bien fait, hein, par, c’est par quelqu’un qui a déjà fait de très très bons films avant, donc on n’est pas tellement surpris, c’est le gars qui nous avait épatés avec Memento au début de sa carrière, et là aussi, bon, ils ont pris une histoire qui aurait pu être un peu casse-gueule, qui aurait pu être une histoire, je dirais, un peu traitée à la Spielberg, c’est-à-dire, vraiment à la surface des choses, et puis ce ne l’est pas, ce ne l’est pas ! On nous prend, on nous prend de tous les côtés. Je veux dire, si on est sensible, comme vous et moi, à la manière dont ce monde va à la catastrophe, eh bien, le film prend ça de la manière qui convient. Le soliton, le soliton est là, et on en prend plein la figure !

Voilà. Alors évidemment, il y a une fin à la Hollywood pour nous dire que, eh bien, qu’il faut se battre, parce que ça ne vient pas tout seul, parce que c’est quand même des gens qui se cassent le cul qui parviennent à quelque chose ! Alors c’est un petit peu, c’est évidemment fantaisiste, ça joue sur la, comment dire, des hypothèses parmi les plus hardies de la mécanique quantique, mais c’est le genre de films à voir.

Les deux frères – puisque Jonathan a contribué au scénario et Christopher est le metteur en scène, qui a contribué [au scénario] aussi – ils veulent nous donner du courage, que nous retroussions nos manches, alors, eh bien, ça rejoint les préoccupations du blog de Paul Jorion, comme vous le savez, alors on va aller dans cette direction-là.

Ce qu’il faut faire, évidemment, parce que le temps presse, c’est peut-être ne pas trop perdre son temps dans les détails, et il faudrait peut-être… Il faut que je réfléchisse à la manière de rationaliser un petit peu le temps que je passe sur des choses et d’autres pour vraiment me concentrer sur ce sujet-là. Le sujet principal, ce n’est évidemment pas d’envoyer des fusées : le problème, c’est de sauver le genre humain, la « race humaine » comme on dit en anglais, le « genre humain » comme on dit en français.

Alors, c’est un beau combat : nous avons une chance extraordinaire, non pas de nous retrouver au milieu de ça, mais nous avons une chance extraordinaire, eh bien, que ce problème se pose, parce que c’est un problème, quand même, voilà, c’est un problème crucial pour qui on est : ça nous oblige à réfléchir à qui on est vraiment, ce qu’on fait ici, et c’est souvent quand quelque chose est menacé qu’on commence à comprendre de quoi il s’agit vraiment. Voilà. Eh bien, allons-y, allons-y. On continue ici : on continue à notre manière, avec les moyens dont on dispose, et comme je le disais, il faut réfléchir à la manière la plus efficace de le faire, et cette réflexion, eh bien, elle va continuer, elle va continuer ici… si j’ai le bonheur de vivre.

Voilà. Allez, à bientôt !

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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