Billet invité.
Les événements se précipitent : les marchés manifestent leur impatience en appelant au lancement par la BCE d’un début de création monétaire en grand, Jean-Claude Juncker annonce qu’il va présider « la commission de la dernière chance » et les rumeurs se multiplient sur l’échec aux stress tests de nombreuses banques, en attendant l’affichage des résultats le 26 octobre prochain, une fois passé le cap du tout proche sommet européen.
La cause est entendue, la stagnation va être séculaire et la dette un problème lancinant. Cultivant une vision malgré tout optimiste, tout en ne s’en tenant qu’à la dette publique, le FMI constate que « les efforts budgétaires au cours des cinq dernières années ont stabilisé le ratio entre dette publique et PIB, même s’il reste à un niveau élevé ». Mais il relève un « sentiment de saturation » vis à vis des réformes et que « les perspectives d’un durcissement des activités financières et d’un éventuel tassement de la croissance potentielle (…) sont autant de facteurs qui exigent une reconstitution des marges de manœuvre utilisées durant ces dernières années ». En d’autres termes, il serait nécessaire de « judicieusement » concilier la viabilité de la dette publique et la croissance… Dit autrement : dans les hautes sphères, on ne sait pas quoi faire devant la faillite d’un modèle de désendettement qui ne fonctionne pas.
Incluant la dette chinoise dans son tour d’horizon de la question de l’endettement, Martin Wolf remarque dans le Financial Times que « sans un boom du crédit insoutenable quelque part, l’économie mondiale semble incapable de générer une croissance de la demande suffisante pour absorber l’offre potentielle » . Employant une formule imagée, il déplore que la zone euro en soit à attendre Godot et le retour d’une demande globale qui rendrait la dette soutenable. Il faudrait plutôt utiliser « la lame et les ciseaux » en « réduisant la dette et en recapitalisant le système bancaire d’une main, et en favorisant une forte croissance économique de l’autre », à l’opposé du « pacte faustien qui a été passé avec un secteur privé générant des booms de crédit »…
En Europe, la faillite du désendettement conduit progressivement à la même constatation : la dette publique n’est pas soutenable et son remboursement va devoir être réglé au prix de la mise en cause de l’État providence. La discussion ne fait que s’engager sur les moyens d’y remédier, qui diffèrent d’un pays à l’autre. Syriza a ouvert le ban en Grèce, avec un montage novateur, Podemos en Espagne et le Mouvement des 5 étoiles italien ont depuis chacun à leur manière suivi, forts de leur poids dans l’opinion publique. Beppe Grillo est favorable à la tenue d’un referendum combinant une sortir de l’euro avec un défaut sur la dette. Podemos défend la perspective d’un audit de la dette et sa restructuration, et Syriza a proposé de lier le taux de la dette à celui de la croissance.
Un noble et académique renfort est venu en la personne de Robert Skidelsky, membre de la Chambre des Lords, professeur émérite et biographe de Keynes. Il souligne dans un article en syndication combien il est devenu difficile de distinguer la dette publique de la privée, revenant sur l’histoire de l’endettement de David Graeber (« Dette: 5.000 ans d’histoire ») qui a rappelé que la dette était toujours négociable mais également source de conflit entre débiteurs et créditeurs, soulignant qu’il n’y avait là rien de sacré. Au passage, il mentionne le mouvement américain Strike Debt’s initiatives, qui rachète à prix cassé de la dette sur le second marché pour l’annuler, une campagne de sensibilisation ne pouvant être qu’une goutte d’eau dans l’océan.
Un petit détour vers les bulles immobilières s’impose à ce stade. Elles sont loin d’être résorbées là où elles ont pris une gigantesque dimension – aux États-Unis, en Espagne et en Irlande notamment – et sont la source d’inquiétudes en Allemagne et au Royaume-Uni. Les autorités allemandes craignent l’effet des bas taux d’intérêt et la constitution d’une telle bulle chez eux, ayant été jusqu’à maintenant épargnés. « Il est douloureusement clair que l’économie du pays court au rythme du marché du crédit immobilier, le responsable de pratiquement tout les booms et éclatements de bulle financières de l’histoire récente », remarque le rédacteur en chef économie de Skynews, Ed Conway dans The Times.
Ce n’est qu’un début…
Oui, le canal de Panama est évidemment un des plus hauts points stratégiques que tenteront de s’arracher les marchands qui…