Billet invité. Ouvert aux commentaires.
« Mettre ma santé en danger pour le salariat », voila comment « Sapristi » termine son post le 26 septembre 2014.
Moi aussi, à 23 ans, j’ai mis ma vie en danger pour le salariat. C’était en 1983 et à l’époque le monde du travail était loin d’être une sinécure, deux crises pétrolières avaient malmené les économies occidentales, le chômage entamait depuis quelques années déjà sa courbe ascendante qui ne changerait plus de trajectoire.
Perdu dans ce monde que je voyais en route vers une sombre destinée, je n’avais en tête que des rêves de fuite vers un paradis, loin de nos sociétés polluées, nucléarisées et guerrières. Sans un sous en poche, il fallait trouver un travail et c’est comme cela, rêvant à une improbable vie aventurière, que je me tournais vers le métier de conducteur de poids lourds après une formation professionnelle.
Au départ de la Belgique, en route vers l’Italie au volant de mon 30 tonnes, j’étais heureux d’avoir trouvé un boulot vers le sud. Mon vieux « Saviem » n’était pas de toute première fraîcheur et par précaution, après un freinage un peu poussé sur une ligne droite, j’arrêtais le véhicule et vérifiais l’état des freins : un sur deux ne fonctionnait pas ! J’ai repris la route vers le col du Saint-Bernard, la descente vers Aoste fut très lente, sur le plus petit rapport possible et j’ai continué au péril de ma vie et de celles des autres.
Quelques années après, je me suis cassé le dos en déchargeant un 40 tonnes. J’avais fait le tour du monde du travail salarié, mes rêves de paradis je les ai détournés vers mon jardin en Ardenne. Ma petite expérience du monde du travail ouvrier et salarié a été catastrophique :
– danger du mauvais matériel ;
– travail peu intéressant et routinier ;
– pas de formation et parfois malveillance qui conduisent aux accidents ;
– abrutissement par de trop nombreuses heures de travail et pas de loisirs ou bien du temps libre mais pas d’argent pour cause de chômage.
Je suis très pessimiste, il y a 25 ans que je travaille la terre pour avoir un petit revenu et aussi par amour de cette nature, que nous n’arrivons pas à sauver. Notre monde « machiniste » aurait dû nous libérer du travail ingrat, cela n’a jamais été le cas. Si même les robots colonisent la planète, les revenus qu’ils créeront ne nous seront pas retournés et de plus dans un monde sans énergie facile, un retour vers une « Écoagriculture » nécessitant beaucoup de main d’oeuvre pourrait être un retour vers l’horreur si nous ne trouvons pas la solution pour remettre en question la propriété privée des moyens de production sans tomber dans les excès communistes. La révolution sera-t-elle la seule porte de sortie de l’ultra-libéralisme ? Je ne le souhaite pas.
La survie de l’espèce n’est pas garantie, du moins sous la forme que nous lui connaissons – dit Paul Jorion -, et mes yeux voient inexorablement s’éloigner l’idée d’un paradis possible, rêve de mes 20 ans.
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