Retranscription de « Le temps qu’il fait le 26 septembre 2014 ». Merci à Olivier Brouwer
Bonjour, nous sommes le jeudi 25 septembre 2014 et j’enregistre ma vidéo du vendredi 26 avec un peu d’avance parce que demain, à l’heure où j’enregistre d’habitude ma vidéo le vendredi, je serai dans le train, parce que je serai en route vers Paris. Je me rendrai à l’heure du déjeuner à BFM Business, où on enregistrera l’émission que vous aurez l’occasion, vous, de voir dans la soirée, à 22h, et qui sera consacrée à ce livre d’entretiens entre Bruno Colmant et moi-même, avec Marc Lambrechts, sur « Penser l’économie autrement ». Et quand j’aurai quitté le studio, je partirai vers Bruxelles, parce que lundi je reprends mon enseignement à la chaire « Stewardship of Finance » à la Vrije Universiteit Brussel, l’université néerlandophone de Bruxelles.
Et samedi à 18h, on renouera avec les rencontres des amis du blog de Paul Jorion au Vicomte à Ixelles. On entamera la troisième année de ces rencontres. Nous venons à Vannes, à Conleau, d’avoir la deuxième réunion en Bretagne.
Et au moment de commencer cette vidéo, il y a un mot qui m’est venu à l’esprit parce que je savais de quoi j’allais parler. J’allais parler, justement, de ce contraste qui existe en ce moment entre ces deux pays où je me rendrai demain – en France, j’y suis déjà ce soir, mais je quitterai la France pour me rendre en Belgique – et le mot qui m’est venu à l’esprit, c’est un mot qui vient du vocabulaire de la psychiatrie, c’est le mot « catatonie ». Et, bon, j’avais une idée de ce dont ça parle mais je suis allé regarder la définition officielle telle qu’on la trouve par exemple sur Wikipedia et qui dit : « c’est une forme de schizophrénie caractérisée par des périodes de passivité et de négativisme alternant avec des excitations soudaines. »
La Belgique et la France sont des pays limitrophes. La Belgique a connu, il n’y a pas tellement longtemps, une période extrêmement longue de plus d’un an d’absence de gouvernement. Elle se retrouve à nouveau dans une situation de ce type-là, et ce qui est en train de se dessiner comme combinaison, c’est une combinaison véritablement de droite entre des partis nationalistes, des partis néo-libéraux et libéraux pour faire une coalition. Mais ce qui est remarquable, c’est ce qu’on entend dire sur les tractations qui ont lieu en ce moment, et en particulier qu’il est question en Belgique de taxer bien davantage le capital que ce n’est le cas aujourd’hui. Alors, venant d’un gouvernement qui sera un gouvernement de droite dure, c’est relativement surprenant, si ce n’est que ça reflète peut-être un certain réalisme, un réalisme par rapport aux situations dans lesquelles nous sommes. Une étude récente a montré que pour ce qui est de la concentration de la richesse en Belgique, et malgré cette taxation très très importante du travail par rapport au capital, la Belgique est un des pays où la concentration de la richesse est la moins marquée. Pourquoi ? eh bien parce que l’Etat-Providence est toujours là, et que même quand un gouvernement de droite se met en place, il sait qu’il s’agit de quelque chose qu’on ne peut pas remettre aussi facilement en question en Belgique comme ce serait par exemple le cas en France, où la question est posée, et où les syndicats patronaux ne se sentent plus, comme vous avez l’occasion de le voir, exigent des milliards, des dizaines de milliards d’exonérations, la suppression de jours de congé, et ainsi de suite.
Mais dans ce contraste entre ces deux pays que je connais bien… J’habite en France en ce moment, je suis né en Belgique et depuis 2012, après un long intervalle – j’ai quitté la Belgique en 1972, un long intervalle de 40 ans – je renoue avec la Belgique, je m’intéresse à nouveau à ce qui se passe. Et ce que je voudrais dire, c’est précisément ça : partir de cette définition de catatonie, parce que je crois que les Français ne se rendent pas compte à quel point leur pays est plongé en ce moment dans cette « forme de passivité et de négativisme qui alterne avec des périodes d’excitation soudaine », excitation soudaine avec un deuxième gouvernement Valls, enfin il y a un certain nombre de scandales qui éclatent, mais par rapport à cela, tout cela se situe dans un contexte qui est un contexte, effectivement, d’une sorte de paralysie négativiste où on ne sait pas ce qui va se passer et oů on n’a pas envie, en fait, d’en entendre parler. À quoi bon ? Pourquoi en parler ?
Je parle avec quelqu’un qui se trouvait dans un cabinet ministériel, c’était dans le gouvernement Valls 1, et qui parlait de la situation de son ministère – et il ne m’en voudra pas de le citer puisque nous sommes passés à un autre contexte – et je lui posais la question : « Mais qu’est-ce que vous faites en ce moment ? » Il dit : « Ben on attend la Troïka. » Voilà : on attend la Troïka. Ça se passait il y a huit/neuf mois, ça se passait au début de l’année… « On attend la Troïka ». Voilà : c’est la catatonie !
Alors il faut le savoir : il faut savoir qu’on est dans cet état là. En général, les gens qui souffrent de schizophrénie, ne peuvent pas faire grand-chose à ce sujet-là, mais ceux qui s’y trouvent pour des raisons passagères et qui ont la possibilité de rebondir comme on dit, il faut qu’ils le sachent, que c’est dans cet état là qu’ils sont et qu’on peut faire autre chose, ne serait-ce que parce que dans un pays voisin, limitrophe, dont la constitution sociologique, politique, etc. n’est pas à ce point différente – ce sont des pays voisins – il y a moyen, même dans une perspective de droite, d’envisager de faire des choses comme il faudrait.
Alors, il y a ce livre dont je vais parler demain à BFM, qui a été écrit, dont les idées ont été mises ensemble avec Bruno Colmant, qui est un penseur de droite, qui est un économiste de droite, qui a proposé ces intérêts notionnels en Belgique, qui ont fait de la Belgique un certain type de paradis fiscal pour les entreprises. Moi, je représente un autre type de pensée en économie, mais il y a moyen : il n’y a pas de TINA, puisqu’il propose, lui, une alternative à ce qu’on fait en ce moment, qui est une alternative qui se situe dans la pensée libérale, conservatrice, de droite, moi je propose d’autres choses, mais cela veut dire qu’il y a au moins deux alternatives, une de droite et une de gauche, à TINA. Il n’y a pas de raison de rester comme le lapin dans les phares de l’automobile qui arrive, il y a moyen, par un sursaut, il y a moyen de sortir de ça. Pour faire des choses peut-être pire encore, mais, comme je vous le disais, dans cette Belgique qui se prépare pour un gouvernement de droite, on se prépare quand même à taxer davantage le capital par rapport au travail, parce que le monde est d’une certaine manière et qu’il y a moyen quand même de le réformer.
Voilà, allez, une pensée pour la semaine, à bientôt !
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