Billet invité. Publié simultanément sur le blog de Jean-Michel Naulot.
Le résultat du référendum écossais a finalement donné raison aux tenants de l’union. La victoire du non a été obtenue après des concessions très importantes de David Cameron dans les derniers jours de campagne. Le peuple écossais vient en quelque sorte de lui dire : « OK pour un sursis, on vous jugera sur les actes… ». Au cours de la campagne, les autorités britanniques ont semblé prendre au sérieux, enfin, la sourde révolte d’un peuple qui vient de démontrer une nouvelle fois, de manière exemplaire, avec une participation massive, que le référendum est un magnifique moyen pour se faire entendre par les dirigeants, pour prendre en main son destin. C’est ce qui manque actuellement un peu partout en Europe.
Le référendum est un sévère avertissement pour l’ensemble des nations européennes qui négligent les inégalités territoriales engendrées par la crise, qui négligent les inégalités tout court. De Margaret Thatcher à David Cameron, les dirigeants britanniques n’ont en effet eu d’yeux que pour la City, un sentiment encore aggravé par la politique d’austérité conduite depuis 2010. Ils en payent le prix.
Le débat qui a eu lieu à l’occasion du référendum ne sera pas sans conséquences sur certaines menaces de désintégration, de la Catalogne qui se bat pour avoir le droit de voter sur l’indépendance, au Royaume Uni qui s’interroge sur sa présence au sein de l’Union. Des évolutions, inimaginables il y a seulement quelques années, peuvent désormais se produire.
Mais le référendum écossais peut aussi avoir un écho en zone euro. Il invite à la réflexion nombre de dirigeants européens qui ne sont jamais habités par le doute, qui considèrent que l’histoire est déjà écrite et qu’il ne faut pas hésiter à bousculer les peuples pour imposer « la seule politique possible ».
Dans une large partie de la zone euro, les perspectives sont pour le moins sinistres. L’austérité est le seul horizon proposé aux citoyens, aux jeunes, et les inégalités ne cessent de s’aggraver. Les politiques de dévaluations internes, c’est-à-dire de baisse du coût du travail, ont remplacé les dévaluations monétaires. En France, ces politiques viennent se briser sur un modèle social auquel les citoyens sont très attachés. Le débat entre ceux qui affirment que la mise en œuvre des réformes est le seul moyen de retrouver la croissance et ceux qui considèrent que le plus important est d’atténuer les politiques d’austérité tourne au dialogue de sourds.
On peut toujours rêver d’une initiative de croissance, d’un new deal pour l’Europe, d’un changement de cap de l’Allemagne, mais si rien ne se fait, jusqu’à quand peut-on tenir ce discours ? Dans l’intervalle, les gens souffrent, le chômage augmente, la précarité gagne du terrain.
Plutôt que de nous installer dans une impasse qui risque un jour de nous conduire à des aventures politiques, il est temps que nos dirigeants regardent les choses en face. La crise de la zone euro, qu’elle prenne la forme d’une crise des marchés comme en 2010 ou d’une crise économique et politique comme actuellement, est une manifestation évidente des défaillances de conception de la monnaie unique. Il est démontré que le système monétaire actuel ne permet pas de créer cette zone économique optimale qui nous avait été annoncée, qu’il est même destructeur. Seule une refonte du système peut ouvrir de nouveaux horizons. Dénoncer le niveau surévalué de l’euro, les politiques d’austérité, l’absence de réformes, tout cela ne suffit plus. Nous faisons du surplace et cela risque d’être suicidaire.
Si chaque pays retrouvait un peu de flexibilité pour conduire une politique économique et sociale plus en harmonie avec son histoire, ses caractéristiques structurelles, ses handicaps et ses atouts, le vote protestataire perdrait vite le terrain conquis avec la crise. Et l’idée européenne, tellement affaiblie par les divergences de la zone euro, en sortirait renforcée.
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