Quémander ou définir son pouvoir ? – réponse à deux critiques, par Zébu

Billet invité. Réponse à deux critiques de Quémander ou définir son pouvoir ?, par Zébu : celle de Pierre-Yves Dambrine et celle de Michel Leis. Au cas où ce billet recevrait une réponse sous forme d’un nouveau billet, la discussion se prolongerait là.

Je vais essayer de répondre aux divers questionnements évoqués, qui me permettent de mieux structurer ou d’affiner mes idées.

Je vais commencer sans doute par le plus facile, à savoir le ‘Comité scientifique d’experts’, afin de ne pas se focaliser sur ce point somme toute assez connexe, en tout cas, mineur selon moi au regard des autres problématiques. Conscient de cette formulation spécieuse, il me semble qu’il serait tout simplement plus opportun de parler de ‘Comité de personnalités’, lesquelles pourraient se voir affubler, selon les goûts et les humeurs de chacun, du qualificatif qui lui convient (scientifique, expert, prophète, …). L’idée est que ce Comité est à la fois un support politique à la démarche engagée, par son soutien affirmé, et à la fois un support auquel l’Assemblée constituée peut se référer ou solliciter pour élaborer ses propositions.

Le passage quant à l’autorité reconnue pourrait donc être supprimé, la seule autorité qui puisse être reconnue à ses membres ne l’étant que par ceux qui voudront bien leur en octroyer.

Quant au passage du texte sur la légitimité d’une telle Assemblée, il me semble qu’il faudrait elle aussi la faire disparaître, mais j’y revendrai plus loin.

On me suggère aussi de ne pas laisser trop prise à l’aspect contextuel de cette démarche, notamment sur la mise en valeur à plusieurs reprises de Valls, même s’il semble indépassable de décrire d’où vient cette déclaration et à quoi elle répond. L’objet d’une telle démarche, si elle est certes contextualisée, est clairement de pouvoir s’extraire de celui-ci, afin d’atteindre le niveau politique qui puisse correspondre au niveau des défis qui nous sont posés.

Pour l’utilisation de ‘constamment’ dans le dernier paragraphe, qui pourrait faussement réjouir les théoriciens de la révolution permanente, cet adverbe a été utilisé dans l’idée d’une coutume et non d’une perpétuelle remise en cause et refonte d’un projet de société : une telle coutume pourrait tout à fait se perpétuer à intervalles réguliers (tous les 10, 20 ou 30 ans), ou selon les besoins, l’essentiel selon moi est que la constitution de ce nouvel espace politique puisse perdurer par-delà une éventuelle institutionnalisation à travers une potentielle constitutionnalisation.

Et j’en viens au nœud central selon moi : constitutionnalisation ou pas constitutionnalisation ?

Pour ma part, j’ai clairement défini ma position sur ce sujet et les éléments d’information complémentaires provenant tant de militant de partis politiques que de constitutionnalistes me renforcent dans ma conviction : on ne peut pas chercher à instituer dès l’origine ce qui est par nature instituant, sous peine dès le départ de rater complètement sa cible.

La crise ? La faute à la Constitution ! L’impéritie de Hollande ? La Constitution ! La déliquescence du pouvoir politique ? Idem !

Une Constitution est une Loi fondamentale dont l’objet est de régler l’exercice du pouvoir, pas de définir les politiques menées ou qui devraient l’être. J’ai trop entendu certains au PG décrier (à tort ou à raison, là n’est pas l’objet) la ‘Constitution’ européenne, décriant le fait que les politiques néo-libérales y étaient inscrites (dans le marbre) pour pouvoir souscrire sans incohérences la nécessité qu’une nouvelle Constitution puisse y contenir l’inverse, fusse pour notre ‘bien’.

La Constitution n’est qu’une Loi et il est bien normal que les constitutionnalistes, aussi talentueux que Dominique Rousseau, prêchent pour leur chapelle. Mais le changement de République par une constituante ne ferait qu’entretenir une histoire de France déjà longue en la matière et qui n’a guère modifié quoi que ce soit sur le fond, à savoir définir une politique.

La cause de tous nos maux n’est pas la Constitution actuelle, bien qu’elle y participe. De même, chercher dès le départ à constitutionnaliser un tel acte politique (avec quelle Constitution ? celle présente ? celle à venir ? laquelle ?) obligerait à poser la question de la Constitution quand celle-ci n’est qu’un outil.

Car il me semble que si la Constitution est la Loi fondamentale, il demeure un principe politique essentiel qui est que ce sont les citoyens qui définissent cette Loi, aussi fondamentale soit-elle (les Allemands diraient ‘la compétence de la compétence’).

Une déclaration de constitution d’Assemblée (appelons là ‘sociale’, pour la distinguer des termes ‘constituante’ et ‘convention’) est le droit premier des citoyens et il n’est nul besoin pour eux de rechercher une quelconque autre légitimité que celle-ci, a fortiori si la recherche d’une constitutionnalisation de celle-ci ou d’une articulation avec une Constitution ne pourra que confronter cette légitimité d’avec celle déjà inscrite, ou même à définir, d’une Constitution.

Sauf à être considérés comme des factieux cherchant à renverser le régime politique en cours, il n’y a donc pas grand-chose à chercher à mon sens dans cette direction.

Ce qui ne signifie pas qu’il faille s’interdire de réfléchir à cette possibilité d’institutionnalisation a posteriori d’un processus qui aura permis d’atteindre son but, à savoir définir un projet de société, ou d’articulation ou même de définir l’outil constitutionnel qui soit adapté à ce projet.

Mais en faire un préambule serait à mon sens une erreur d’analyse mais aussi une erreur politique.

Quelle serait alors la différence entre un mouvement politique de type parti politique d’une telle Assemblée me direz-vous ? Tout simplement que les partis concourent … dans la compétition démocratique pour l’exercice du pouvoir politique, quand l’Assemblée n’y concourt pas et même s’y refuse (ce qui explique aussi mon refus de voir s’y intégrer les partis politiques). Que les partis politiques puissent s’en inspirer pour définir leur propres projets politiques, certes, et même que l’on puisse articuler les propositions de l’Assemblée d’avec quelques mécanismes constitutionnels forçant le pouvoir politique constitué (institué) à se saisir du pouvoir politique instituant, pourquoi pas. Mais les deux doivent être séparés, parce qu’ils sont de nature et d’objet différents.

Enfin, un tel processus ne présume pas un long fleuve tranquille, tant par les tentatives d’instrumentalisation de toutes sortes, que de tentatives de destruction politique de toutes natures.

Sans définition de cadre d’action, celui-ci s’en irait alimenter la décharge des bonnes intentions.

Il est donc nécessaire de définir en amont ce cadre sous la forme d’une proposition qui serait ensuite soumise à l’approbation des pétitionnaires, qui en deviendraient ensuite acteurs s’ils le souhaitent.

Ce cadre d’action définirait à la fois les règles de fonctionnement (Comités locaux, Comité des personnalités, Assemblée) et les objectifs (définir un projet de société qui puisse répondre aux limites imposées par notre environnement, la complexité et la concentration des richesses), sur la base de principes d’action simples : liberté d’expression (tant qu’elle ne remet pas en cause les deux autres principes), égalité de voix, fraternité par rapport à autrui.

Ce cadre d’action pourrait être la Déclaration de constitution de l’Assemblée (sociale ? Quelqu’un a-t-il mieux?), qui, si vous en êtes d’accord, pourrait être rédigée sur ces bases.

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6 réponses à “Quémander ou définir son pouvoir ? – réponse à deux critiques, par Zébu”

  1. Avatar de alain audet
    alain audet

    Vous vous compliquez la vie inutilement.Nous avons besoins d’un changement de paradigme radical.
    Tout les changements proposés reviennent toujours en lien avec le système actuel, donc ce ne sont pas de véritable changements, il faut sortir de ces vieux concept d’exploitation.
    Les changements doivent être établit sur une base et des balises claires. Si nous voulons survivre sur cette planète nous devons respecter les lois de la biodynamiques basé sur l’équilibre des écosystèmes.
    Le mot loi signifie bien ce qu’il veut dire au sens incontournable du terme comme il est essentielle par exemple, à l’avion de respecter les lois de l’aérodynamique pour voler.
    Cette idée est très bien exprimé dans ce livre en pdf, si vous êtes pressé allez directement au chapitre 6. Lire le livre au complet est cependant préférable, vous obtiendrez des points de repères incontournables pour bâtir du neuf.

    http://frishmael.files.wordpress.com/2010/10/daniel-quinn-ishmael-fr.pdf

  2. Avatar de Caleb Irri

    Bonjour à tous

    lorsqu’on recherche « la cause des causes », on finit toujours par rencontrer la Constitution. Et c’est en partant de ce constat qu’on en arrive à ce qui devient rapidement une évidence, à savoir la mise en place d’une Assemblée Constituante. Je ne vais pas ici retracer tous les travaux qui ont été faits dans ce sens mais simplement rappeler que de nombreuses initiatives sont déjà disponibles, et qui n’attendent que des participants pour se développer …

    Je vous laisse ici deux liens de billets dans lesquels j’essaie de faire le point sur le sujet :

    http://calebirri.unblog.fr/2013/10/06/retour-vers-le-futur-constituant/
    http://calebirri.unblog.fr/2013/10/06/et-si-on-reparlait-de-lassemblee-constituante/

  3. Avatar de Nyssen
    Nyssen

    Cela n’est-il pas dans les compétences du CESE Conseil Economique, Social et Environnemental actuel, auquel il faudrait donner plus de pouvoir (comme le conseil d’Etat ?) ?

  4. Avatar de Yves Vermont
    Yves Vermont

    Zébu,

    Pourrais-tu redonner un lien vers ton texte de base s’il te plait. Merci.

  5. Avatar de Poissson
    Poissson

    En vue de parfaire l’ébauche de votre projet, ne pourrait-on pas envisager la nomination des directeurs de la DGSE et de la DGSI par tirage au sort?

  6. Avatar de JF Le Bitoux
    JF Le Bitoux

    La Constitution n’est qu’une Loi

    Et qui fera appliquer ou pas « une Loi » ? La France est un cimetière de lois inappliquées, sans compter les directives et autres déclinaisons et recommandations qui disent le contraire de « l’esprit de la loi » – et de la Constitution en référence.
    Alors comment valider « l’Esprit des Lumières », l’Intérêt Général et la Connaissance Citoyenne qui devraient en découler et qui précèdent une « Esprit de la Démocratie »? Alors que l’Esprit du Néolibéralisme est de faire le détour de ce qui est « positif » aussi vite que possible.
    Un début de réponse : Citoyenneté et démocratie supposent informations. Toute décision administrative devrait pouvoir être « argumentée intelligemment » par ceux qui la mettent en application – c’est-à-dire avec pédagogie et pas autorité martiale – comme c’est le cas aujourd’hui. Mais ça va nécessiter un autre niveau de compétence dans les casernes.
    Je ne comprends pas que les politiques, les économistes, les juges et les avocats aient autant « le droit » de se tromper professionnellement : nul ne tolérerait autant d’erreurs et de désespoir de la majorité des professions – Et ce sont donc ces dernières qui structurent encore nos sociétés et les premiers qui en sapent les fondamentaux. Et pas la Loi, qu’ils piétinent allègrement. Alors pourquoi changer de Loi si vous gardez les mêmes ? Il faut donc les empêcher de revenir en cas de « Corruption », au sens premier de ce terme.

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