Europe : L’IRRÉSISTIBLE ABSENCE D’UNE POLITIQUE DE REMPLACEMENT, par François Leclerc

Billet invité

Comment transformer l’essai marqué il y a bientôt une semaine par Mario Draghi ? La question reste sans réponse, bien que ce dernier ait recherché une formule permettant de débloquer la situation en suggérant de conditionner des marges de flexibilité fiscale accrues à la réalisation de réformes libérales. De quoi, espérait-il, rassurer un gouvernement allemand qui n’a pas saisi la perche tendue, conforté par ce que le changement de gouvernement en France pourrait annoncer, qu’il encourage du geste et de la voix.

Renouvelant leurs pressions antérieures, bien qu’elles soient restées sans succès, Matteo Renzi et François Hollande proposent aujourd’hui une planche de salut sous la forme d’un sommet sur la croissance et l’emploi, qui pourrait se tenir en octobre prochain. Ils espèrent que le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, saura mettre en musique son mirifique projet de plan pluriannuel d’investissement fait de bric et de broc, qui n’a pas suscité de grand enthousiasme outre-Rhin, c’est le moins que l’on puisse dire. Se cantonnant sur les marges, ces jeux d’esquive ne sont pas à la hauteur de la situation. Le sort réservé au projet de Mario Draghi peut-il laisser des illusions ?

L’accentuation de la pression déflationniste résume l’impasse dans laquelle les dirigeants européens se sont placés et dont ils ne parviennent pas à sortir. Va-t-il falloir que celle-ci s’accentue encore et se prolonge, que la zone euro s’installe pour une longue période dans la stagnation – comme la crainte en est tardivement formulée par François Hollande – pour qu’un laborieux compromis soit finalement trouvé ? Comme d’habitude au dernier moment, et comme toujours en adoptant des demi-mesures qui ne feront que repousser les problèmes ? C’est dans cette étroite logique que s’inscrivent les présidents français et italien, sans garantie d’avoir gain de cause. Or il ne s’agit plus cette fois-ci du sauvetage d’un pays de la périphérie de la zone euro – avec les résultats que l’on connait – mais de la zone toute entière, ce qui implique un radical changement de politique. Quand au renversement d’alliance du premier ministre français, il est digne de ces manœuvres et discours de congrès auxquels les dirigeants socialistes nous ont accoutumés depuis qu’ils sont au gouvernement.

Faut-il trouver consolation dans l’enthousiasme que les marchés manifestent à l’idée que la BCE, en désespoir de cause, pourrait faire marcher la planche à billet ? Les investisseurs se retrouvent sur le marché obligataire, convaincus que la banque centrale se portera prochainement acquéreur auprès d’eux de titres au faible rendement mais à la valeur élevée, une bonne affaire si l’on s’y est pris à temps, suscitant une accalmie faussement présentée comme le résultat d’une politique qui arrive à son terme sans solution de remplacement. Mais les bas taux qui en résultent sont le ferment de bulles financières sur d’autres classes d’actifs, destinées à crever en cas de remontée des taux, telle qu’elle interviendra quand la Fed le décidera.

Menace déflationniste accentuée d’un côté, spéculations financières à risque en vue de l’autre, il ne manquerait plus que l’on reparle des banques…

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