Billet invité.
Demain va s’ouvrir le symposium annuel des banques centrales de Jackson Hole (Wyoming), permettant de faire le point sur leurs visions de la situation, la diversité de leurs approches et l’évolution de leurs politiques. Car ce qui ressort en premier lieu des compte-rendus de leurs dernières réunions, ce sont les interrogations persistantes de leurs dirigeants, les banquiers centraux, et des divisions quand elles sont reconnues.
Toutes sont confrontées, de manière plus ou moins prononcée, au même phénomène déflationniste généralisé. Le Japon ne parvient toujours pas à sortir de deux décennies de déflation, la zone euro subit sa forte pression et pourrait prendre le même chemin, tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni ne retrouvent pas un taux d’inflation considéré comme normal. Le retour à la normalité, c’est la grande question posée, sans qu’il puisse y être apporté une réponse.
Que faut-il prendre en considération pour identifier ce retour ? Aux États-Unis, où la Fed n’a pas comme seule mission d’atteindre sa cible d’inflation, mais aussi de veiller à l’emploi, c’est ce second critère qui fait l’objet des débats. En effet, si le taux de chômage tend à se normaliser peu à peu, cela dissimule d’autres phénomènes qui ne sont d’ailleurs pas exclusifs au pays. En premier lieu la qualité dégradée de l’emploi et l’importance du chômage de longue durée, mais aussi le découragement de tous ceux qui ne recherchent même plus un emploi. C’est pourquoi Janet Yellen, la présidente de la Fed, préfère utiliser le taux d’emploi – et non du chômage – qui exprime le rapport entre l’emploi et la population en âge de travailler.
Au Japon, l’objectif de sortie de la déflation n’est toujours pas atteint, laissant planer un doute sur la possibilité d’échapper à la « trappe de liquidité », le renouvellement par la Banque du Japon de ses émissions massives de liquidité ne produisant toujours pas les effets escomptés. En Europe, la BCE se cramponne à des anticipations d’inflation prévoyant sa remontée – plaçant toute sa confiance dans des prévisions quand celles-ci s’avèrent systématiquement erronées dans tous les domaines – et s’arcboute sur une politique de réformes structurelles aux effets récessifs prononcés.
A l’arrivée, aucune banque centrale ne peut prétendre que ses mesures accommodantes rencontrent le succès escompté. Qui plus est, la Fed et la Banque d’Angleterre sont aux prises avec des impératifs contradictoires, leur politique de bas taux contribuant à une inflation préoccupante du prix des actions, sur laquelle elles ne se risquent toujours pas à revenir, comme si cette manne continuait à être un soutien dont les institutions financières, assistées, ne pouvaient plus se passer. Quant à la BCE, elle est désormais aux taquets sans plus de résultat, n’ayant d’autre option que de se lancer à son tour – en désespoir de cause et si finalement elle s’y résout – dans une politique de création monétaire dont on constate par ailleurs les effets non désirés. Mais que faire dans un contexte de grande fragilité financière persistante et d’atonie d’une croissance supposée salvatrice mais qui ne se commande pas ?
Le livre de recettes est épuisé et il faudrait en inventer de nouvelles. Cela supposerait de défaire les écheveaux qui se sont emmêlés, à commencer par ceux des endettements réciproques, ce qui réclamerait un mode d’emploi – comme il en est exigé des banques – afin d’assurer leur liquidation dans l’ordre quand elles s’écroulent. L’exercice s’avérant périlleux, la Fed ayant d’ailleurs donné des délais aux banques pour revoir leur copie, déclarée insatisfaisante. Mais comment se résoudre à un tel gigantesque exercice permettant de tirer un trait sur une partie de la dette, la dette publique étant présumée sans risque afin d’étayer l’échafaudage des actifs financiers ? Comment parvenir à relancer la croissance sans le soutien de l’endettement, puisqu’il faut le réduire, ce qui ne laisse comme solution que de s’attaquer à la répartition inégalitaire de la richesse et dégonfler l’énorme bulle financière ?
Autant de tournants que les banques centrales ne peuvent négocier et qu’il appartiendrait aux dirigeants politique de prendre. Aux premiers, il ne leur reste plus qu’à continuer de jouer la stabilisation d’une crise dont elles n’ont pas les moyens d’aider à en sortir. Advienne que pourra dans une situation qui ne peut décidément pas prétendre à la normalité et qui est destinée à durer en attendant de nouveaux dérapages plus ou moins contrôlés. A Jackson Hole, les banquiers centraux vont faire de la figuration intelligente. Ils pourront profiter de leur réunion pour s’échanger des tuyaux sur la constitution de discrètes réserves en renminbi, la devise chinoise, afin de suivre le mouvement qui fait de celle-ci une monnaie de réserve de fait, en attendant d’autres développements dans ce domaine, et suivre les derniers rebondissements du feuilleton de la dette argentine qui fait d’un juge new-yorkais l’artisan d’une jurisprudence allant peser sur les restructurations de dette à venir.
Paul, Je n’ai vu de ce film, il y a longtemps, que ce passage (au début du film, je crois)…