Billet invité. Paraît simultanément sur le blog de Jean-Michel Naulot.
Les chiffres qui sont publiés en zone euro depuis plusieurs mois et tout particulièrement ces jours-ci, en France comme en Allemagne, démontrent que, contrairement à ce que croyaient les dirigeants de la zone euro, la croissance ne va pas revenir comme à l’orée d’un cycle. Elle semble pour le moment condamnée à l’encéphalogramme plat, de manière durable. Quand on s’est à ce point trompé, il devient difficile d’adapter son discours. Mario Draghi cherche des explications du côté de la situation géopolitique, le gouvernement français du côté des critères de convergence, des excédents courants de l’Allemagne et de la BCE, accusée de ne pas faire davantage marcher la planche à billets, les chefs d’entreprises du côté du rythme insuffisant des réformes de structure, toujours évoquées, rarement réalisées.
Les risques géopolitiques ? Ils ne jouent qu’à la marge. Les critères de convergence ? L’Allemagne a beau jeu de rappeler que nous avons signé le Traité de stabilité budgétaire. Les excédents courants allemands ? Le problème est évident, considérable, mais la solidarité qu’exigerait le fonctionnement normal d’une monnaie unique n’est pas au rendez-vous. Dès que l’idée d’une action correctrice est évoquée, l’Allemagne oppose une fin de non-recevoir. Keynes avait pourtant démontré que la correction des déséquilibres appartient autant aux pays excédentaires qu’aux pays déficitaires. La rigueur de la BCE ? Ses statuts lui interdisent de prendre certaines initiatives et son rôle de toute façon n’est pas de se transformer en pompier pyromane. Le ministre des finances le sait bien, lui qui faisait partie du Conseil de Politique Monétaire en pleine bataille pour le franc fort. Si la BCE apportait de nouvelles liquidités aux banques, elles s’investiraient une fois de plus dans la dette souveraine domestique. Les réformes de structures ? Leurs effets bénéfiques ne se font sentir qu’après de longues années et surtout elles deviennent quasiment impossibles à mettre en œuvre lorsqu’il n’y a plus de croissance. Le pacte de responsabilité est de ce point de vue déjà mort, avant même d’avoir été rédigé dans le détail. Le désarroi est général et « les chemins semblent fermés de toutes parts ».
Combien d’années de crise la France devra-t-elle encore subir pour que l’autorité politique accepte enfin de sortir du carcan de l’analyse traditionnelle, une analyse qui n’imagine des corrections de trajectoire qu’à la marge. Comme si le désastre économique et social auquel nous assistons en zone euro, de la Grèce à la France, en passant par l’Italie, l’Espagne et le Portugal, avec la désindustrialisation, le chômage et les coups de canif dans le modèle social – un modèle social qui avait été considéré en pleine crise financière comme exemplaire car permettant de résister à la crise – n’avait pas une cause beaucoup plus structurelle ! Ayons le courage de regarder les réalités en face : tel qu’il a été conçu à Maastricht, le système monétaire de la zone euro ne marche pas, n’a d’ailleurs jamais marché. Dès les années quatre-vingt-dix, alors que la Banque de France imposait sa politique du franc fort pour maintenir le cours du franc face au deutschemark, avec des taux d’intérêt élevés, l’économie française avait vu son taux de croissance ramené autour de 1% et, en l’espace de six ans, la dette publique avait progressé de 35% à 58% du PIB. Lorsque la croissance n’est pas là, les recettes fiscales ne rentrent pas et la dette publique augmente, mécaniquement. Plus tard, une fois l’euro en place, les effets de la politique de taux d’intérêt unique ont été bénéfiques pour l’Allemagne qui a pu financer sa réunification à des conditions avantageuses mais désastreux pour des pays comme l’Espagne et l’Irlande qui ont du affronter une bulle immobilière. Les effets de la surévaluation de la monnaie ont été calamiteux pour toute l’Europe du sud, notamment pour un pays comme la France habitué à des dévaluations de 10 à 20% tous les dix ans au cours du demi-siècle précédent.
Une politique de taux unique pour des pays aussi différents et une surévaluation systématique de la devise ne peuvent permettre de créer une zone économique fonctionnant de manière optimale. C’est un exercice aussi impossible que la quadrature d’un cercle, sauf à avoir au préalable instauré le fédéralisme politique. Ce dont il ne peut être question aujourd’hui tant les peuples y sont hostiles. Pour couronner le tout, les dirigeants européens ont ajouté une erreur de politique économique à ces mécanismes monétaires diaboliques en décrétant, lors de la crise des marchés du printemps 2010, que les malheurs de la zone euro venaient d’un surendettement public alors qu’à l’exception de la Grèce, le surendettement était privé. Ce qui s’est traduit par la mise en place des politiques d’austérité. Pour comble de l’absurde, ces politiques ont été inscrites dans les traités ! Comme si des politiques économiques pouvaient être éternelles, irréversibles !
Et le Président de la République française dans tout cela ? Comme Léon Blum qui a remis en cause le bloc-or en 1936, ce veau d’or auquel les Français étaient très attachés, il a peut-être une chance historique à saisir. En pleine campagne électorale, Léon Blum avait juré de ses grands dieux que jamais il ne porterait atteinte au lien entre le franc et l’or, que jamais il ne dévaluerait. En septembre 1936, alors qu’il était depuis trois mois Président du Conseil, un jeune conseiller de l’ambassade française à Londres, Emmanuel Monick, est venu le convaincre qu’il fallait commettre l’irréparable, sacrifier le veau d’or. Après un voyage en urgence du conseiller pour rendre visite à Roosevelt, s’assurer d’un nihil obstat, Léon Blum a courageusement décidé d’abandonner le bloc-or. La dévaluation externe a remplacé la sinistre dévaluation interne. Quelques mois après, l’économie est repartie.
Si François Hollande veut sortir la France de l’impasse dans laquelle elle semble enfermée, il doit parler à l’Allemagne et engager avec elle une réflexion sur l’Union monétaire. Deuxième puissance économique de la zone euro, disposant – jusqu’à présent – de la confiance des investisseurs, ayant joué un rôle moteur dans la création de l’euro, la France est la mieux placée pour prendre une initiative dans le domaine monétaire. Le sujet dépasse largement le problème des critères de convergence, d’ailleurs obsolètes dans l’univers économique actuel. C’est le système monétaire qu’il faut réformer. La monnaie commune imaginée par de nombreux économistes et autrefois par Edouard Balladur, John Major et Pierre Bérégovoy, qui n’étaient pas franchement des dirigeants irresponsables, avait l’immense avantage de permettre un fonctionnement souple de la zone monétaire. Elle laissait aux nations une certaine autonomie de politique économique tout en préservant le rôle de la monnaie européenne dans les échanges internationaux. Aménager l’Union monétaire était impossible au moment de la crise des marchés du printemps 2010 tant les banques étaient exposées à la dette souveraine des autres nations de la zone euro. Aujourd’hui, les banques gèrent mieux leurs risques. Les banques françaises ne détiennent plus de dette espagnole, beaucoup moins de dette italienne. Les conditions sont donc plus favorables à une réforme monétaire.
La zone euro ne sortira pas de la crise profonde dans laquelle elle est enfermée par de simples ajustements, encore moins par des discours auxquels ne croient plus nos concitoyens. Solliciter l’indulgence de la Commission, appeler une nouvelle fois à une « réorientation des politiques européennes » sans s’en donner les moyens, n’a pas de sens. La surévaluation de la monnaie tue l’industrie française, comme l’avait expliqué Louis Gallois dans son rapport de l’automne 2012. Il faut réformer les mécanismes monétaires qui sont en place et donnent de si piètres résultats. L’objectif doit être d’assurer un fonctionnement optimal de la zone monétaire, le retour à la croissance et à l’emploi dans l’ensemble des pays.
guidage de la société: nous y voilà Mr Xi Quant à moi je ne cherche qu’approcher la réalité basée sur…