Billet invité.
En matière financière, suffit-il de s’en tenir aux pires intentions, de suspecter des abominations cachées et ne pas soulever les coins de tapis pour le cas échéant le démontrer ? En d’autres termes, le pire est-il toujours sûr ? Il n’est pas discutable que le plus intéressant est souvent dissimulé et vient souvent à être découvert tardivement, comme l’illustre la suite du feuilleton Espirito Santo (suivi avec un certain acharnement, il est vrai !): le filon continue de se révéler bon et mérite de continuer à être exploité.
Cela ne va pas toutefois sans mal : « La Banque du Portugal ne commente pas les opérations de financement des banques » a été la seule réponse obtenue par les journaux portugais qui cherchaient à connaître le destin du prêt de 3,5 milliards d’euros de celle-ci à la BES, juste avant sa déconfiture. Question : si ce prêt devait avoir été transféré à Novo Banco, comme cela est vraisemblable, que va-t-il en advenir ? La réponse va sans doute être trouvée du côté de la BCE, qui a rapidement accordé le statut de contrepartie à Novo Banco, lui permettant de financer cette dernière, qui pourra ensuite rembourser la BdP… Comme toujours, il suffit de suivre la piste de l’argent !
La BCE a joué dans les coulisses un rôle qui commence à transparaître. Elle s’est en effet trouvée placée au centre d’un dilemme quand il a fallu mettre au point l’opération de sauvetage de la BES. La loi européenne en vigueur prévoit en effet que les créanciers seniors pourront être appelés à contribuer au financement d’une banque en faillite, selon la nouvelle formule du bail-in. Mais ils ne l’ont pas été, car l’un des principaux détenteurs de ces créances n’était autre que la BCE (et pour 300 millions d’euros un fonds souverains chinois) ! Celle-ci détenait en effet à la fin juin 7,4 milliards d’euros d’obligations seniors émises par la BES au titre de collatéral et garanties par l’État portugais, dans le cadre de ses opérations de LTRO (crédit à long terme aux banques). Si les créanciers seniors (et pas seulement les détenteurs des créances subordonnées) avaient été appelés à combler le trou de la BES, cela serait revenu à faire participer les États européens, via l’Eurosystème et leurs banques centrales nationales, au sauvetage de la BES, en totale contradiction avec la directive communautaire et la future Union bancaire.
Une leçon de portée générale peut être tirée de cette édifiante histoire, sachant que l’en-cours de la BCE vis-à-vis des banques européennes était au 1er août de 535 milliards d’euros (prêts dits LTRO non encore remboursés), auquel il faut additionner 74,2 milliards d’euros d’« autres créances » auprès de celles-ci. Chargée de la supervision des banques, la BCE est donc au centre d’un conflit d’intérêt potentiel : toute évaluation de sa part la conduisant à impliquer les créanciers seniors dans le sauvetage d’une banque, comme il est prévu, la toucherait donc en premier lieu… De quoi douter de l’accomplissement sans faille de sa mission dans l’avenir !
(suite) (« À tout seigneur tout honneur ») PJ : « il n’est pas exclu du tout que je me retrouve dans la…