Billet invité.
Monsieur Barnier,
L’historique de la crise de 2008 a eu pour effet de poser la question essentielle par le plus grand nombre : Comment se fait-il que quand une banque commet des erreurs, ce soit le contribuable qui paye ?
Du fait de cette question maintes fois posée par les citoyens européens, la Commission Européenne aurait enfin pris conscience de l’inanité de ce processus de participation du contribuable et serait en train de régler en partie le problème en faisant enfin contribuer les banques à payer pour leurs propres erreurs.
C’est une avancée indéniable et attendue, mais un progrès qui apparait limité car la question posée est désormais la suivante : comment se fait-il qu’une petite banque de dépôt, essentielle au fonctionnement de l’économie soit plus mise à contribution à un fonds de secours de 70 milliards mis en place par la Commission Européenne que les grandes banques spéculatives ?
Soit on marche sur la tête, soit la majorité de la commission européenne est amie avec les banquiers et les pires, les banquiers des banques les plus pourries, les plus spéculatives. La deuxième solution est-elle la plus probable ?
Un conflit d’intérêt présumé et prouvé dans bien des cas des gouvernants américains et européens avec les banquiers rend toute démocratie peu viable au détriment du citoyen américain ou européen.
Le tableau historique du règlement du processus de résolution de la crise financière en cours doit être rappelé pour démontrer à quel point le scandale continue dans le traitement privilégié, par les gouvernants occidentaux, d’entreprises financières mafieuses et que les résolutions en cours pour le règlement des crises bancaires futures et inéluctables sont toutes aussi grotesques que les précédentes. Quand est-ce qu’un membre de la Commission Européenne va enfin prendre le taureau par les cornes et inciter à régler de manière définitivement contraignante la problématique bancaire systémique ?
Car force est de constater que le processus de résolution de cette problématique bancaire immense, mis en place depuis le début de la grande crise de 2008, le contribuable a dû payer et paye encore pour les erreurs des grandes banques qui ont pris des risques inconsidérés et pourtant, malgré ces erreurs graves, les établissements financiers ont profité de leurs erreurs trois fois. Comment se fait-il ?
D’abord, les grandes banques commerciales sont coupables d’erreurs inadmissibles dans leurs transactions de produits structurés et de produits à fort effet de levier via le marché des dérivés. Elles ont créé une crise financière perpétuelle par le biais de la commercialisation de produits financiers pourris et toxiques aux collectivités locales et aux particuliers sur le marché immobilier des subprimes et des CDO (Collateralized debt obligation) et les ont diffusés dans le monde entier. Et pourtant, elles ont gagné beaucoup d’argent par le biais de ces produits bancaires structurés ; et, pour le cas des grandes banques européennes, sans jamais se voir infliger des amendes ou autres condamnations. Comment se fait-il ?
Ensuite, les banques centrales ont alors décidé (pour soi-disant mettre un terme à cette crise financière) de renflouer les marchés financiers et aider ces grandes banques commerciales aux prises d’une crise bancaire systémique incommensurable en 2008, par le biais du quantitative easing ou autre LTRO européen. Ces afflux de liquidités ont alors permis à ces grandes banques commerciales d’emprunter aux banques centrales à bas taux pour prêter à fort rendement aux pays émergents (dont le taux d’intérêt directeur est beaucoup plus élevé) et donc, à nouveau, d’engranger des profits énormes.
Les grandes banques commerciales profitent donc des pertes qu’elles ont fait subir au monde entier alors qu’elles ont contribué dans cette crise bancaire, à créer un chômage endémique dans de nombreuses régions d’Europe et une misère indécente dans une économie européenne dite « moderne ». Les gouvernants européens ont accompagné ces banques en faillite de leur obole par la mise en place de plans d’austérité contraires à toute croissance économique possible. Il a été d’ailleurs permis à ces banques de se restructurer par le biais d’une concentration indécente contraire à toute loi visant à combattre l’abus de position dominante. La position dominante étant définie de la manière suivante par la jurisprudence française : « la position dominante concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis à vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs ». Comment se fait-il ?
Mais ce n’est pas fini : dans ce tsunami financier provoqué par les grandes banques commerciales irresponsables, un fonds spécial européen, le MES (ancien FESF), Mécanisme Européen de Stabilité, a été mis en place en 2011 pour la zone euro, pour « sauver » les pays européens en situation de faillite parce que les investisseurs et toujours les mêmes, les grands établissements financiers, spéculaient contre la dette souveraine de ces pays.
Les financiers ont profité donc une 3ème fois de leurs erreurs. Là encore, c’est le contribuable qui paye in fine, encore et toujours, puisque chaque pays européen contribue au sein de la zone euro au plan du Mécanisme Européen de Stabilité, le mécanisme financier de « sauvetage » des pays européens attaqués sur leur dette souveraine.
Pour récapituler, les grandes banques commerciales ont en somme profité de leurs erreurs honteuses, d’une part via la commercialisation des subprimes, ensuite via les swaps de taux d’intérêt lié à l’afflux de liquidités de sauvetage par les banques centrales, et enfin, par le biais des spéculations contre les dettes souveraines.
Aujourd’hui, on continue dans le même esprit, la saga des résolutions incroyables et inachevées, prises par les dirigeants européens dans la réparation des dégâts causés par les banques commerciales dites « too big to fail », et de ce fait, « too big to jail », persiste.
Si jusqu’à présent, nous arrivons enfin à ce que l’Europe décide d’imposer aux actionnaires et aux créanciers une participation minimale au renflouement à hauteur de 8% du passif de la banque, il n’en reste pas moins qu’il apparaît finalement que lors d’un processus de résolution qui suit l’effondrement d’une banque, cette résolution est inéquitable dans la répartition de la contribution des grandes banques et des petites banques (pour ce qu’il en reste) au fonds de résolution d’une capacité de 70 milliards d’euros pour l’UE (28 pays) et de 55 milliards d’euros pour la zone euro.
Ainsi, comme nous l’expliquent les représentants du Rassemblement des Verts Européens qui contestent ces projets dans un article publié sur Mediapart :
« Dans les coulisses, les banques luttent les unes contre les autres pour déterminer qui devra contribuer et à quelle hauteur. Les grandes banques devraient logiquement payer plus que les petites banques (taille d’une perte potentielle) et les banques les plus risquées devraient payer plus que les banques « sans risque » (risque de perte potentielle). L’agence américaine de résolution FDIC fait payer 2,5 points de base pour les banques les moins risquées et 45 points de base pour les banques les plus risquées.
Malheureusement en Europe, certains États membres comme les Pays-Bas, la France et l’Italie, se comportent en VRP de leurs « champions » bancaires et tentent de limiter les contributions de ces derniers. Ils s’activent pour que les banques les moins risquées payent jusqu’à 80% de la contribution moyenne quand les banques les plus risquées pourraient se limiter à 120% de celle-ci. L’écart serait dérisoire. Un facteur de 1,5 quand il est de 18 aux États-Unis. Avec un écart aussi faible, les banques ordinaires seraient ouvertement amenées à subventionner le comportement à risque des banques « too big to fail », recréant à nouveau les conditions d’aléa moral qui ont conduit à la crise de 2008. »
Cela est tout simplement inacceptable.
Qu’allez-vous donc faire, Monsieur Barnier, pour faire en sorte qu’enfin les grandes banques commerciales, utilisant la spéculation à outrance et prenant des risques inconsidérés pour la planète, soient enfin mises à contribution de manière contraignante et certaine face à leurs erreurs et leurs irresponsabilités ?
Puisqu’une volonté de véritable séparation des banques d’affaires et de banques de dépôt est un principe qui vous est cher et qui est fédérateur, Monsieur Barnier, n’est-il pas désormais approprié de continuer à suivre ce chemin et d’amorcer enfin la prise en compte d’une stratégie réelle de contrainte légale et certaine à l’égard des grandes banques ou des banques les plus risquées pour que le facteur d’au moins 18, comme celui des États-Unis, soit pris en compte ?
N’est-il pas temps de concevoir enfin une résolution équitable, donc une contribution proportionnelle entre les grandes et les plus petites banques lesquelles assurent un véritable service public de dépôt et sont essentielles à la survie du système économique en cas de nouvelle crise provoquée par les banques à haut risque ? Même si 70 milliards est un fonds de résolution un peu léger pour régler un effondrement bancaire, le minimum syndical serait de respecter au moins un principe de proportionnalité et conserver un écart de 18 entre les petites et grandes banques, comme celui des Américains. C’est peu de chose mais ce serait un progrès de laisser quelques petites banques survivre dans le respect du principe concurrentiel et de la liberté d’entreprendre.
En espérant que vous donnerez une suite favorable à ma demande, et que vous défendrez ce point de vue d’équité et d’équivalence devant la commission européenne, veuillez recevoir Monsieur Barnier l’assurance de mes meilleures salutations,
» Il va maintenant jouer sur la terreur, la perte de repères, l’identification à lui seulement, la mise en scène…