Espirito Santo : UNE NATIONALISATION QUI N’AVOUE PAS SON NOM, par François Leclerc

Billet invité.

Comme prévu, la Banque du Portugal a annoncé dimanche soir le plan de restructuration de la Banque BES, avant l’ouverture de la Bourse et de ses guichets lundi. Le risque était qu’à la débandade des actionnaires, qui ont vendu leurs titres dans l’affolement pour limiter leurs pertes, succèdent des retraits massifs des déposants, l’érosion des dépôts ayant certainement commencé, mais il a été fait silence sur ce délicat sujet.

La banque va être scindée en deux entités, une bad et une good bank. Dans la première, les actionnaires actuels (dont le Crédit agricole avec 14,6% du capital) ainsi que les créanciers subordonnés vont rester en tête à tête avec les actifs et structures à problème – dont la filiale angolaise de la BES – et se diriger vers une liquidation, tandis que la seconde où seront transférés les dépôts, les crédits sans risque et les activités rentables va être confiée au Fonds de résolution des banques crée par le gouvernement portugais à la demande de la Troïka. La good bank, qui va adopter un nouveau nom, Novo Banco, laissant celui de BES qui fait référence à Espirito Santo à la bad bank, aura vocation a accueillir ultérieurement de nouveaux actionnaires achetant les parts détenues par le Fonds.

Selon le montage financier présenté, le Fonds de résolution – qui est financé par 79 établissements financiers ayant une activité au Portugal, mais ne disposait que de 182,2 millions d’euros lors de son dernier arrêté des comptes – apportera 550 millions d’euros et empruntera à l’Etat 4,4 milliards d’euros pour capitaliser la nouvelle structure, celui-ci tirera sur la ligne de crédit dont il dispose au titre de la recapitalisation des banques dans le cadre du plan de sauvetage où 6,4 milliards d’euros restent disponibles.

Ce schéma permet d’éviter formellement une nationalisation, tout en finançant sur fonds publics l’opération. Il est prévu que les banques cotisant au Fonds de résolution l’abonderont régulièrement, lui permettant ainsi de commencer à progressivement rembourser son emprunt, en attendant que de nouveaux actionnaires surviennent et achètent les parts du Fonds qui remboursera ainsi son emprunt auprès de l’Etat. Il est présumé que la Commission acceptera de ne pas comptabiliser cette opération dans la dette portugaise, ce qui a dû être négocié à Bruxelles. Tout cela est très tiré par les cheveux : le Fonds en question est une entité de droit public doté de l’autonomie administrative et financière, il est dirigé par trois personnes respectivement désignées par la Banque centrale, le ministre des finances, et ses deux entités réunies.

Le sauvetage de la BES est exemplaire, non pas parce qu’il met à contribution les actionnaires et les créanciers de titres subordonnés – en application de la législation communautaire temporaire en attendant l’entrée en vigueur au 1er janvier 2015 du mécanisme de résolution de l’Union bancaire – mais parce qu’il esquive par un artifice une nationalisation que le gouvernement ne voulait pas assumer car contraire à son credo libéral : l’Etat finance la constitution de la good bank mais il n’entre pas à son capital et n’assume pas sa gestion, laissant les coudées franches à une nouvelle direction formellement nommée par la Banque du Portugal. Encore une illustration d’une pensée libérale qui ne s’assume que les bons jours !

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