Espirito Santo : L’INSTABILITÉ DEMEURE, par François Leclerc

Billet invité.

La Banque du Portugal a beau multiplier les assurances, la situation de la Banque du groupe Espirito Santo (BES) reste indécise. Elle continue d’affirmer que celle-ci est solvable et qu’il n’y a pas péril en la demeure, faisant si nécessaire une prochaine recapitalisation sans identifier ses acteurs, admettant que la ligne de crédit dont dispose le gouvernement pour aider les banques pourrait y contribuer en dernière instance.

Le premier actionnaire de la banque, Espirito Santo Financial Group (ESFG) – qui vient de bénéficier d’un règlement judiciaire comme Rioforte son actionnaire – a créé hier mardi un nouveau un vent d’inquiétude en demandant et en obtenant en raison « d’événements imprévus » le report de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires de la BES qui devait statuer sur les comptes du 1er semestre. Les comptes, qui s’annoncent désastreux, seront toutefois publiés aujourd’hui.

Le montant estimé des pertes de la banque s’élèverait selon le journal Expresso à 3 milliards d’euros, ce qui rendrait indispensable une recapitalisation, car les réserves financières de la banque sont de 2,1 milliards d’euros. De nouvelles factures commencent à sortir des tiroirs, la Commission du marché des valeurs mobilières portugaise (CMVM) réclamant désormais que la BES garantisse ses clients du payement des titres d’EFSG qu’elle leur a vendus, alors qu’elle s’est jusqu’alors contentée de le faire pour les titres des deux autres holdings du groupe, Rioforte et ESI. Du côté de BESA, la filiale angolaise de la BES qui en possède 55,7%, tout n’est toujours pas clarifié. Selon KPMG Angola, qui a certifié ses comptes avec réserves, la BES aurait ouvert une ligne de crédit de 3 milliards d’euros à la BESA, et il n’est pas certain qu’elle sera remboursée ou qu’à défaut la garantie de l’État angolais de 5,7 milliards de dollars sera activée, le texte de cette dernière se contentant de couvrir des « crédits spécifiques » sans la désigner expressément.

En provenance du Luxembourg, une autre nouvelle est venue assombrir le paysage. ESI, La holding de tête du groupe, n’a pas bénéficié comme les deux autres holdings d’un règlement judiciaire, la décision des experts remise au 6 octobre prochain. Cela peut être interprété comme une manière de repousser la décision considérée comme inévitable de la liquidation de la société, cette alternative au règlement judiciaire lorsque toute restructuration est considérée non viable. Enfin, si les actionnaires de la BES font en premier les frais de la dégringolade en bourse de la banque, qui s’est poursuivie en raison des événements, les créanciers du groupe ayant reçu en garantie des titres de la BES le sont également, fondés à demander en contrepartie des garanties complémentaires à leurs débiteurs, alourdissant encore le climat.

Le jeu pourrait se compliquer en raison d’un mouvement plus vaste de restructuration du système bancaire portugais, que la chute du Groupe Espirito Santo pourrait précipiter. Mais faudrait-il encore, pour que des investisseurs se déclarent à son chevet et devenir les actionnaires de référence de la BES, que sa situation soit clarifiée (à moins d’obtenir de solides garanties). On ne rend pas transparent un groupe réputé pour son opacité et qui s’écroule en si peu de temps. La Banque du Portugal est à la manœuvre, tandis que le procureur de la République lance des enquêtes pour des abus d’informations confidentielles et des abus de confiance commis au sein du groupe sur la base de signalements de la CMVM.

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