(à paraître le 10 septembre)
Et si nos deux économistes du XXe siècle avaient dû réformer la finance ? Auraient-ils favorisé une séparation des métiers bancaires pour isoler les activités spéculatives ?
Bruno Colmant : Friedman n’aurait pas défendu la séparation des activités. Mais il aurait été très attentif au fait que le système bancaire réagisse de manière très visible aux impulsions de la Federal Reserve.
Paul Jorion : Keynes a une vision plutôt positive de la spéculation parce qu’il a été spéculateur lui-même. Dans un livre qu’il a publié en 1923 : A Tract on Monetary Reform, il est même allé jusqu’à louer la spéculation, disant que les spéculateurs sont plus disposés à assumer le risque et souvent plus qualifiés que les professionnels. Mais il considère quand même qu’il ne faut pas exagérer : treize ans plus tard, dans un passage fameux de sa Théorie générale il met en garde contre les excès :
« Les spéculateurs sont inoffensifs tant qu’ils ne sont qu’autant de bulles à la surface du flot régulier de l’esprit d’entreprise. La situation devient cependant sérieuse quand c’est l’esprit d’entreprise qui se transforme en une simple bulle à la surface d’un tourbillon spéculatif. Quand la fructification du capital d’une nation se transforme en sous-produit de l’activité d’un casino, le travail est rarement fait correctement. »
Ses performances personnelles en tant que spéculateur ont connu des hauts et des bas, mais c’est grâce à la spéculation qu’il a pu entretenir financièrement ses amis du groupe de Bloomsbury qui réunissait des artistes et des intellectuels britanniques. Il a longtemps été trésorier du King’s College à Cambridge et il se livrait là aussi à une certaine spéculation sur le portefeuille de l’institution avant de revenir plus tard à des investissements plus robustes ; il a ainsi fini par s’impliquer personnellement dans la gestion d’une ferme que possédait le collège.
Contrairement à ses confrères économistes, Keynes évoque souvent la spéculation ou la mentalité du spéculateur : dans la Théorie générale, il parle du « motif spéculatif » comme étant l’un des trois facteurs qui expliquent la préférence pour la liquidité : « l’objet de s’assurer d’un profit du fait que l’on sait mieux que le marché de quoi sera fait l’avenir. »
N.B. : Je présenterai le livre le 8 octobre à Blois dans le cadre de L’économie aux Rendez-vous de l’histoire. Un débat entre Colmant et moi aura également lieu au Studio du Théâtre National de Bruxelles le 30 octobre (les précisions suivront).
@François M A ce jour les missiles balistiques de portée intercontinentales (quel qu’en soit le type) n’ont jamais été utilisés…