Billet invité.
En refusant de se saisir du dossier argentin au terme de son long parcours judiciaire, la Cour suprême des États-Unis a donné raison à deux fonds vautours qui réclamaient le remboursement au nominal d’obligations achetées à bas prix sur le marché secondaire, en dépit d’un accord de restructuration avec tous les autres créanciers leur garantissant le retour de 25% de leur mise. Une décision qui risque de rendre aléatoires de futures restructurations de dette en s’appuyant sur ce précédent, car pourquoi souscrire à un accord de restructuration si une décision de justice peut vous assurer ultérieurement un remboursement intégral ?
La Cour suprême a agi à contre-temps si l’on en croit le FMI qui s’est dit « inquiet de potentielles implications plus vastes pour l’ensemble du système ». Car d’autres restructurations de dette sont inévitables et le temps est venu de réfléchir à comment les mener, au lieu de contribuer à les rendre impraticables en ne laissant comme options que le tout ou rien. Allant à l’opposé, le FMI avance de son côté ses pions en proposant – pour commencer – un projet de mécanisme permettant d’échanger avec les créanciers d’un pays en difficulté l’allongement du calendrier de remboursement de sa dette contre son intervention.
Certes, l’introduction devenue pratique habituelle d’une clause d’action collective (CAC) lors de nouvelles émissions devrait rendre incertaine dans le futur une action qualifiée d’« extorsion » par la présidente de l’Argentine, Cristina Krishner, son pays n’ayant pas pris cette précaution peu courante à l’époque. Une telle clause prévoit qu’une restructuration s’impose à tous les créanciers quand une majorité qualifiée d’entre eux donne son accord.
Mais cette précaution juridique ne résout pas la question dans sa totalité, faute d’un mécanisme ayant pour objet de faciliter les restructurations à venir dans une période qui a de fortes chances de ne pas en être avare. Le FMI en dispose d’un dans ses tiroirs et poursuit son étude en interne. Il repose sur la création d’un tribunal international spécialisé qui aurait pour tâche d’instruire les dossiers et de les trancher, y compris afin de protéger certains investisseurs comme les fonds de pension ou les détenteurs d’assurance-vie, qui sont très friandes d’actifs obligataires longtemps considérés comme sans risque. Ce qui permettrait de ne pas s’en tenir au simple principe du pari passu (l’égalité de traitement des créanciers en l’occurrence) et à ses effets non recherchés. Mais le tiroir est à peine entrouvert. Ironie du sort, les États-Unis qui avaient été à la manoeuvre en 2003 y enfermer le fruit des réflexions du FMI ont pris fait et cause pour l’Argentine, rejoints par les gouvernements français, brésilien et mexicain. Mais la Cour suprême en a décidé autrement, donnant raison à ceux qui pensent nécessaire la mise sur pied d’une institution mondiale ad hoc.
Côté argentin, une opération inédite et audacieuse de swap de titres a été annoncée. Elle consisterait à proposer aux créanciers d’échanger leurs titres obligataires contre de nouveaux titres faisant attribution de juridiction hors des États-Unis. En contrepartie, ils auraient l’assurance d’être remboursés comme prévu par l’accord de restructuration, l’Argentine ne risquant pas d’être conduite au défaut en application du jugement de la Cour d’appel de New York et de l’application du pari passu qui imposerait de les rembourser à 100%, comme les deux fonds vautours. La voie serait ouverte vers la poursuite de l’épreuve de force.
D’une manière plus générale, un choix entre deux options se précise. Soit de subir des défauts, soit de prendre les devants pour organiser la restructuration globale de la dette. Suivre la pente naturelle qui consiste à les improviser au coup par coup et au dernier moment sera-t-elle à terme tenable devant l’ampleur du problème ? C’est un pari qui n’est pas gagné. Le tabou actuellement en vigueur n’a pas d’autre source que la protection des intérêts d’un système financier qui a besoin d’actifs sans risque pour s’équilibrer. Ce qui a changé, c’est la faiblesse accrue du système.
@Mango vous dites : « mais certains le sont pour des positions politiques plus ou moins arbitraires … » je réponds :…