Billet invité, dont l’auteur – on le devine sans peine à la lecture – est une « source proche du gouvernement » comme l’on dit dans le jargon journalistique
Je vous écris du front. Ce qui se passe ici est hallucinant, d’une violence symbolique inouïe, d’un mépris de classe très puissant.
En fait, il ne s’agit pas de cohabitation, mais d’un changement de cheval pour le même cavalier. Le premier était trop usé, et il commençait à être évident pour tout le monde qu’il ne ferait pas le sale boulot sans renâcler. Et il était un peu amateur. Le nouveau a un avantage, c’est qu’il assume un discours républicain sécuritaire dont le pouvoir sent bien qu’il permet de maintenir l’ordre public nécessaire au maintien de la politique économique.
Toute le monde sait que la France va basculer dans la récession aux second et troisième trimestres. Tout le monde sait que le financement de l’économie n’est pas assuré par un système bancaire gangréné, que la déflation nous guette. Personne ne sait comment les 50 milliards vont être trouvés, parce qu’il n’y pas 50 milliards à soustraire à l’économie tout en faisant des transferts massifs des entreprises vers les ménages et en finançant de manière supplémentaire les efforts structurels du déficit déjà actés. Tout le monde sait que seule une réforme fiscale d’ampleur pourrait contenir les inégalités et assurer la pérennité du système mais il y aurait trop de « risque », celui de trop taxer les plus riches, celui de donner la vérité des prix, celui d’être juste et cohérent.
Tout le monde sait que l’Union européenne permet une domination bureaucratique et que nous sommes désormais le pays qui, après l’Italie de Monti, l’Espagne de Zapatero/Rajoy, la Grèce, Chypre et l’Irlande, verra son modèle social passé à la paille de fer. Les élites s’en réjouissent, pensent qu’il s’agit d’un mal nécessaire. Que les seules entorses acceptables à cette stratégie, ce sont les relachements au nom de l’attractivité, la compétitivité, y compris sur la fiscalisation des sièges sociaux ou des hauts revenus. L’état d’esprit général est que la France est trop grasse, doit changer.
Le changement de premier ministre s’est accompagné de la reconduction, voire de la promotion des équipes économiques et financières en place depuis 2012 : reconduites à l’identique ad hominem ou encore pire remplacées par des individus qui n’auront plus l’excuse de ne pas savoir à quoi ils s’engageaient comme ont pu le faire valoir ceux qui disent avoir cru à un quelconque autre chose avant.
Les élections européennes, les votes successifs n’ont eu pour seules conséquences que de raffermir la volonté d’aller plus vite, d’amplifier la clarté et d’écarter ceux qui seraient coupables de dissidence. Pour ces derniers se pose de nouveau la question : « faut il rester dans ces conditions ? ». La position qu’avait exprimée Paul Jorion, c’était : « Bien sûr qu’il faut rester, qu’il faut se battre ». Mais maintenant ?
Les gens doivent savoir quelle élite les dirige. Ils doivent se rendre compte qu’ici tout le monde n’attend qu’une chose : les polémiques périphériques, que l’on parle du djihad, que l’on divise les gens entre eux pour savoir si c’est leur voisin qui vole l’argent des impôts. Ou mieux encore, que ces mêmes gens manifestent leurs souhaits de baisses d’impôt pour accentuer la déconstruction progressive de ce modèle social dont le « Directeur du Trésor » répète encore ad libidum « qu’on ne peut plus se le permettre, c’est fini! », mais ne reflètant par là que l’opinion répandue à tous les étages.
Il faut dire à tous ces gens qu’ils vont devoir eux-mêmes sortir les élites de là où elles sont entrées. Que désormais c’est eux ou elles. Il n’y aura pas de sursaut, elles ont failli. Les rares qui sont lucides ne le sont que pour deux minutes, entre deux portes, sans que ne soit pour eux possible de contrevenir à leur carrière attendue, à l’attente de leur milieu social quant à leur réussite, au remboursement de leur crédit personnel, à leur besoin matériel. Ils disent dans la pénombre des discussions individuelles ce que tout le monde sait, mais l’élite parisienne écrase tout sens de contestation quand il s’agit des hommes.
Évidemment, ceux qui disent/parlent/présentent font face aux arguments d’autorité des « sachants ». C’est que nous n’aurions pas « compris le mécanisme », qu »il faut faire de la « pédagogie ». Alors ils répètent la même chose, et là quand comme citoyen éclairé vous répétez patiemment la même question pour comprendre et mettre le doigt sue le point dur, et que l’on vous ressert le même écran de fumée, alors à ce moment là on se souvient du blog de Paul Jorion et on se rappelle que « la complexité des systèmes ne sert en réalité qu’à masquer l’évidence de choses simples et connues. »
Je voulais vous dire cela, car de là où je suis, je suis désemparé, je ne sais plus comment agir. Il est probable que j’abandonne mes responsabilités, je ne supporte plus ce mépris de classe. Il est possible que le Ministre lui même s’interroge dans le même sens. Mais à ce moment là, si nous, nous aurons pris nos responsabilités, je sais aussi au fond de moi qu’ils auront gagné. Et que la machine médiatique broiera tout cela avec une belle brutalité.
Soyez certains d’une chose : le système a simplement changé de cheval pour amplifier la même politique. Parce que celui-là est plus vendeur que l’autre.
C’est pas bien de se moquer ! Mango nous montre qu’elle perception on peut avoir de la gauche quand on…