En 1944, deux propositions se retrouvèrent face à face à Bretton Woods : une proposition américaine, défendue par Harry Dexter White et une proposition britannique défendue par John Maynard Keynes.
Curieusement, les propositions américaine et britannique étaient plus proches l’une de l’autre durant la période de négociation qui précéda l’accord qu’elles ne le furent au final. Les Américains étaient ainsi bien disposés à l’origine à l’égard du principe d’une nouvelle monnaie de compte internationale, servant de base pour établir le taux de change entre les diverses monnaies qui continueraient elles d’exister comme avant, monnaie qui se serait appelée « unitas », tandis que les Britanniques proposaient eux une monnaie de compte internationale appelée « bancor ». À l’arrivée cependant, les Américains proposèrent de faire de leur propre devise la monnaie internationale, qui deviendrait ainsi devise de référence et acquerrait en conséquence le statut de devise de réserve dans les échanges internationaux. Les Britanniques s’en tinrent au bancor mais perdirent la partie. Avec l’économie américaine représentant en 1944, 70% de l’économie mondiale dans un contexte d’épuisement généralisé de nations saignées à blanc en raison de la guerre, le rapport de force était trop défavorable aux Britanniques dans les négociations.
Le dollar resterait seul ancré à l’or, la parité étant de 35 dollars pour une once d’or, les autres devises auraient un taux de change, une parité, fixe avec le dollar, quitte à revoir celle-ci périodiquement par la dévaluation ou la réévaluation. Cette solution américaine prévalut jusqu’à ce qu’apparaissent les effets délétères de ce qui fut appelé plus tard le « dilemme de Triffin », du nom de l’économiste belge Robert Triffin (1911 – 1993) qui mit en évidence en 1959 la contradiction qui minait l’ordre monétaire international né en 1944.
La situation qui s’était établie de fait exigeait en effet du dollar américain qu’il équivaille à la fois à la richesse que constitue l’économie américaine, et à la part de l’économie mondiale correspondant au rôle qu’il jouait de monnaie de réserve internationale. Une nation gère sa monnaie en en maintenant le stock à la mesure de la richesse créée sur son territoire mais quelle quantité doit-elle en créer lorsque cette monnaie sert de référence au monde entier ? Elle doit en créer plus, mais combien plus ?
Le seul moyen pour elle de parvenir à jouer ainsi sur deux tableaux est d’acheter à l’étranger davantage que l’étranger ne lui achète, autrement dit, d’avoir une balance commerciale des paiements déficitaire en permanence vis-à-vis du reste du monde. Alors que la bonne gestion de sa devise comme monnaie domestique exige un équilibre de sa balance des paiements, une bonne gestion de sa qualité d’émettrice d’une monnaie de référence exige au contraire que celle-ci soit déficitaire. Il s’agit d’une contradiction logique et aucun pays ne peut bien entendu jamais satisfaire les deux conditions. C’est là le dilemme de Triffin, lequel dénonçait en 1961 « … les absurdités associées à l’usage de devises nationales comme réserves internationales ». Nous payons encore aujourd’hui les conséquences de cette bourde monumentale qui résultait d’une compréhension incomplète et du coup fautive du fonctionnement d’une monnaie.
En 1971, la situation était devenue intenable pour les États-Unis depuis une dizaine d’années déjà : il avait fallu dix ans auparavant, en 1961, créer un London Gold Pool rassemblant huit nations pour maintenir la parité de 35 dollars pour une once d’or définie initialement. L’existence du pool n’avait offert au système qu’un sursis. Quand la Suisse, puis la France réclamèrent aux États-Unis de l’or en échange de dollars accumulés, Nixon s’exécuta, avant de fermer le robinet une fois pour toutes, mettant fin à l’ordre monétaire international mis en place à Bretton Woods en 1944. Aucun nouvel ordre monétaire international ne lui a succédé.
David McNally (2009) a attribué aux fluctuations permanentes du taux de change des devises qui en a résulté, l’invention de l’instrument financier dérivé appelé « swap de change » permettant à ceux qui y recourent de se couvrir, de s’immuniser, contre la variabilité pour un certain montant d’une devise particulière. Est né ensuite, dans le sillage du « swap de change », le « swap de taux » qui permet d’échanger versements d’intérêts à taux fixe contre taux variable, et à leur suite, tout un ensemble de produits dérivés plus récents.
Beau projet pour une « start-up » ! Elon Musk n’aurait pas 8 millions d »€ pour éliminer un concurrent encore plus radical…