CATASTROPHE ANNONCÉE, par Michel Leis

Une discussion à ce sujet aura lieu cet après-midi. Les commentaires seront ouverts entre 16h et 18h sur la page Les débats du blog de Paul Jorion, précisément ici.

Billet invité.

C’est fait. Le FN a viré en tête aux élections européennes. Le moins que l’on puisse dire est que la politique française ne mérite pas le grand prix du scénario, à Cannes comme ailleurs. Cela faisait déjà  plus d’un an que sur ce blog comme dans d’autres, ce résultat était largement anticipé. Si le premier tour des élections présidentielles de 2017 devait confirmer le résultat d’aujourd’hui, MLP serait présente au deuxième tour.

Les partis nous expliqueront que rien n’est joué d’avance, qu’avec un tel taux d’abstentions, tout est encore possible, que les circonstances ne sont pas les mêmes, que la personnalisation des élections présidentielles peut conduire à des résultats totalement différents. Curieusement, ils sont rejoints en ce discours par une frange de la population qui n’adhère pourtant plus au du discours des partis depuis longtemps et que je n’hésite pas à qualifier d’incurables optimistes

Ils se trompent. Reprenons les principaux arguments un à un.

Tout d’abord, imaginer que les abstentionnistes auraient un comportement radicalement différent de celui du reste de la population est une interprétation pour le moins fallacieuse. Imaginer que 57% de personnes puissent avoir un comportement radicalement différent des autres 43% serait un défi aux lois statistiques. Même si le fait de ne pas aller voter les différencient du reste de la population, ils peuvent au mieux par leur mobilisation infléchir telle ou telle tendance, reste à savoir dans quel sens. Si l’abstention représente un défi aux partis de tout bord, alors il est à craindre qu’elle n’accentue le vote protestataire dont on sait qu’il est aujourd’hui (malheureusement) porté par le FN. Les municipales ont montré qu’un niveau plus élevé de mobilisation ne changeait pas radicalement la donne.

Les élections européennes seraient d’abord un vote protestataire de libération de la parole (et au passage, l’occasion de sonder le fond de la pensée des citoyens). En 2009, si mécontentement il y a eu, le FN et le Front de gauche n’ont capté qu’aux alentours de 6.5% des voix chacun, ce serait plutôt la gauche et les verts qui ont capté les votes, un prélude à l’après Sarkozy. En 2004, le score du FN (9.8%) a plutôt été inférieur à celui des présidentielles de 2002, même si on était alors en pleine crise de succession de l’affaire familiale et si le mouvement souverainiste de Philippe de Villiers avait aussi capté 6.7% des voix, on peut noter que la droite avait alors sauvé les meubles, prélude sans doute au remplacement de Chirac par Sarkozy. Si on regarde les résultats des élections européennes, ils auraient plutôt tendance à anticiper le résultat des élections suivantes.

Enfin, le parti au pouvoir prétend toujours tirer la leçon du message adressé par les électeurs. Le problème, c’est qu’avec la proximité des municipales, le PS a déjà reçu le même message. François Hollande a remplacé un premier ministre à bout de souffle par Manuel Valls. Au-delà de la popularité personnelle du nouveau premier ministre et des cadeaux pré-électoraux, il n’y a eu aucun sursaut, ni dans la politique menée, ni dans les résultats électoraux.

Enfin, dernier argument avancé, l’élection présidentielle est avant tout personnelle, et le niveau de rejet de MLP devrait nous préserver du pire. Reste que dans l’intervalle, les jeunes loups vont commencer à s’intéresser à une machine à conquérir le pouvoir, la visibilité médiatique du FN (qui va pouvoir se proclamer premier parti de France) va augmenter, donnant une résonnance à un discours dont la ligne sociale trouve une forte résonnance dans la population. Les cris d’alarme que nous poussons sur la nature réelle du programme du FN restent sans écho. L’alternative sociale que nous évoquons dans de nombreux billets reste sans relais médiatique suffisant.

Dans cette situation, il ne reste qu’à espérer une erreur de l’adversaire, être attentif aux moindres dérives de certains cadres du FN qui n’ont pas encore compris le virage de MLP. Il faut aussi lutter sans merci sur le front des idées. Enfin, il faut adresser aussi un message clair aux partis politiques de pouvoir : s’ils ne changent pas radicalement de discours, il n’y aura pas de front républicain. Aux prochaines élections, je ne choisirai pas entre un libéralisme plus ou moins dur et un parti qui prône l’exclusion et le repli, je voterai BLANC.

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