Billet invité.
La dernière trouvaille de nos banquiers centraux européens, Mark Carney pour la Banque d’Angleterre et Mario Draghi pour la BCE, est de cosigner une véritable pétition réclamant la baisse des barrières réglementaires qui font obstacle à la relance de la titrisation de créances. Une initiative d’autant plus marquante que Mark Carney est également le président du FSB (Conseil de stabilité financière), l’organisme international chargé de chapeauter tous les acteurs de la régulation. Nous étions habitués à ce que les règlementations soient assouplies sous la pression des lobbies financiers, mais nous n’avions pas encore vu le responsable suprême de la régulation proposer de revenir sur celle-ci !
L’objectif affiché est de donner le coup de pouce final aux multiples efforts déjà entrepris afin de relancer le crédit aux entreprises et de favoriser la croissance. Avec comme justification à cette remise en cause de certaines dispositions de Bâle III (pour les banques) et de Solvency II (pour les assureurs) qu’il faut distinguer la titrisation dangereuse de l’innocente – à laquelle est attribuée « une valeur sociale de long terme » – en se référant aux propositions de l’EIOPA, le régulateur européen des compagnie d’assurance. La titrisation n’a pas connu en Europe les errements américains et il ne faudrait pas la pénaliser par des règles adaptées au seul marché américain (où elle se relance au demeurant). Le tour ensuite serait joué, les émetteurs des nouveaux titres allégeant leurs bilans et pouvant accorder de nouveaux crédits, les acquéreurs de ces titres pouvant les utiliser comme collatéral pour garantir leurs transactions. À se demander, vu la menace de pénurie de telles garanties, si toute l’opération n’aurait pas comme réel objectif d’y remédier…
La Banque de France a apporté hier sa contribution avec la création par les banques BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, HSBC France et Société Générale d’une société dédiée à la titrisation. Celle-ci va procéder à l’émission de Euro Secured Notes (ESN) pouvant être utilisées comme collatéral, les banques d’où proviennent les créances conservant une partie du risque qui leur est associé. Les établissements français viennent de se doter d’une machine ayant une double fonction : fabriquer du collatéral afin de garantir les transactions sur les marchés et externaliser une grande partie du risque, dans des proportions qui n’ont pas été précisées…
Il est dangereux de laisser les enfants jouer avec les allumettes, mais n’est-il pas aventureux de chercher à relancer l’endettement via le système bancaire européen, alors qu’il croule déjà sous un stock de créances douteuses évalué par le FMI à 800 milliards de dollars ? Celui-ci a doublé depuis 2009, en raison du ralentissement économique et du poids de la dette qui pèse sur les entreprises.
L’appétit au risque retrouvé des investisseurs et l’assouplissement d’une régulation timorée vont faire bon ménage, cela ne fait pas l’ombre d’un doute !
@Ilicitano Et pendant ce temps-là…on néglige totalement l’énergie que peuvent produire les êtres humains(« l’huile de bras », et d’imagination combinée à…