Billet invité
Le sacro-saint seuil du déficit de 3 % du budget va-t-il être respecté par ceux qui se situaient déjà en-dessous ? La question se pose clairement en Italie, où il n’est déjà plus question de diminuer comme prévu ce ratio de circonstance érigé en principe. Ce pourrait également être le cas cette année en Autriche, où le gouvernement va renflouer la banque Hypo Alpe Adria. S’ils en viennent à fouler aux pieds leurs propres principes !
On comprend mieux alors la chasse aux rentrées fiscales entreprise par des gouvernements à la recherche de marges de manœuvre budgétaires, dont l’objet est de ne pas en arriver à la situation décrite ci-dessus. Bien qu’ils n’aient toujours pas touché au gros morceau que représente l’optimisation fiscale des entreprises transnationales et ne prennent dans leurs filets que les petits poissons de l’évasion fiscale.
Marquée par la fragilité de la situation et l’incertitude, l’époque est étrange. Moins à cause des voix iconoclastes qui se font régulièrement entendre, mais dont l’écho reste limité, qu’en raison des extrémités auxquelles certains partisans de l’orthodoxie sont rendus. Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, en a offert cette semaine une illustration en admettant que la création monétaire par la BCE n’était pas obligatoirement « hors de question », lui qui s’y était jusqu’à maintenant fermement opposé.
William C. Dudley, le président de la Fed de New York (en charge du contrôle de Wall Street) a non seulement fini par reconnaître les effets sur les pays émergents de la diminution des achats d’actifs de la Fed, mais il a tenu des propos novateurs en proposant de réfléchir à « un mécanisme international destiné à faciliter les ajustements de flux de capitaux lorsqu’il y a un changement de direction abrupt ». Non pas en faisant référence au bancor préconisé par Keynes – et aussi ici-même sur le blog – mais en suggérant aux banquiers centraux de la planète d’étudier « une solution mondiale d’assurance collective » permettant aux pays subissant un retrait brutal de capitaux d’avoir accès à des liquidités. On reconnaît l’étonnante méthode qui consiste non pas à empêcher un phénomène mais à tenter d’en diminuer postérieurement les effets lorsqu’ils sont négatifs.
Adair Turner, peu suspect d’orthodoxie en raison notamment de son interrogation sur « l’utilité sociale » de certains instruments financiers, n’a pas été en reste en remettant en cause « le tabou de la monétisation ». Devant l’obstacle que représente selon lui le retour des banques centrales à une configuration « normale », après avoir gonflé démesurément leurs bilans avec leurs mesures non conventionnelles, il préconise de convertir les titres de la dette publique qu’elles détiennent en obligations perpétuelles sans intérêts. Il en explique le mécanisme et répond aux objections, dont celle du déclenchement de l’inflation. Le propos est hétérodoxe.
L’ancien président du FSA, le régulateur britannique des activités financières, prend l’exemple du Japon dont la dette publique a atteint 240 % du PIB pour démontrer que seule sa monétisation partielle peut la rendre supportable et qu’il faudra en venir là. L’orthodoxie économique n’a pas d’avenir, qui fait tenter de faire rentrer des ronds dans des carrés.
Certes, une croissance à 0,1 % n’est pas techniquement une récession et une inflation moyenne au sein de la zone euro de 0,7 % n’est pas une déflation (même si l’Espagne, la Grèce et le Portugal y sont). Les mots maudits peuvent ne pas être prononcés et il est possible de se cramponner à d’autres, mais il n’en reste pas moins qu’en Europe la croissance économique est durablement atone et que la pression déflationniste est puissante. Faire semblant de croire que l’activité économique pourrait repartir comme avant est l’expression d’un conservatisme qui ne protège que ceux qui ont du bien, et qui a rompu toute ses attaches avec ses origines quand il se réclame du socialisme.
Réponse de o1 , et en attendant le réponse de o3 Je comprends que vous soyez curieux de savoir comment…