TOUT SERA BIEN QUI FINIRA BIEN ?, par Ar c’hazh du

Billet invité.

Bonjour M. Jorion,

Nul doute que votre érudition vous a fait connaître depuis longtemps Isaac ASIMOV. Nul doute non plus que vous ayez lu (peut-être même, à la différence de votre serviteur, en version originale) « Face aux feux du soleil » (The Naked Sun) paru en 1957.

Solaria, est une planète peuplée des 20.000 êtres humains capables de vivre 350 ans (appelés spaciens pour les discerner des terriens, jugés inférieurs) et de 200.000.000 de robots. Des robots Asimoviens, bien entendu, incapables de nuire aux humains mais autonomes, diligents et complètements asservis.

Depuis que vous avez évoqué sur votre blog (et ailleurs) le thème de la disparition du travail, du remplacement, souhaité par tous, des travailleurs par des robots, sans que nous ayons à ce jour trouvé de solutions pour répartir entre tous le fruit de ce travail remplacé, je me pose la question :

L’évolution de la société capitaliste ne doit-elle pas in fine aboutir mécaniquement à ce monde Solarien ?

J’écris « mécanique » car je ne pense pas à un complot, même si le courant « trans-humaniste » est, de fait, financé et médiatisé (positivement) et qu’il relève sans doute (au moins pour une part) de ce que vous appelez le « fascisme financier » (la dictature plus ou moins molle des 1%).

Ce trans-humanisme vise, entre autre, et ce n’est pas sa moindre ambition, à abolir la mort (rien de moins), ce qui me renvoie à ces spaciens à la longue vie… Bien entendu, la prolongation de la vie sera elle aussi un phénomène inégalitaire et probablement même réservé à un très petit nombre. Brevets, monopole, profits, les méthodes pour assurer cet état de fait nous sont bien connues.

Face à quelques quasi-dieux vivants protégés par des robots-cops, quelles options resteront à notre humanité paupérisée, intoxiquée, malade, quasi-stérile et abrutie hormis l’injonction de disparaître ? Il ne sera même pas nécessaire d’organiser de grandes boucheries, laisser-faire et patienter un peu devrait suffire…

Viendra ensuite et enfin le chantier robotisé de la grande dépollution visant à restaurer des conditions de vie idylliques à ces trans-humains. Quand on reste si peu sur une planète, on peut, par le travail des robots, semer de grand champs d’éoliennes, de panneaux solaire, se passer d’hydrocarbure fossile et en fabriquer de synthèse, recycler tout en dépolluant, assainir l’air, enfouir le CO2, purifier la terre de ces pesticides et de ses isotopes radioactifs, produire bio, bref hériter d’une maison en ruine et la retaper à neuf !

Même la biodiversité serait ainsi restaurée. Et si les abeilles ne pollinisent plus ou plus suffisamment, de petites nano-machine y suppléeront.

On gardera, quelques spécimens génétiquement sélectionnés de mâles et femelles humains (pour l’hygiène et afin aussi de ne pas risquer une trop grande consanguinité), ou peut-être se contentera-t-on de banques d’organes ou même d’ADN de synthèse. Chaque trans-humain aura droit de se fabriquer un héritier lorsqu’il décidera, revenu de tout, d’expérimenter enfin la mort.

Bien sûr, il restera toujours une hiérarchie parmi ces trans-humains ; les 1% des 1% n’auront pas assez de mépris pour les autres 99% mais il leur faudra sans doute « faire avec », les robots interdisant toute forme de violence entre « trans-humains ». De plus, il est probable qu’étant donné que la pression de la survie aura quasi disparu et l’espace séparant chaque trans-humain étant énorme, chacun vaquera tranquillement à sa propre vacuité sous l’œil électronique, toujours admiratif, de ses robots de compagnie. Nous aurons alors atteint la fin de l’histoire sur terre.

Un chouette futur, n’était-ce les milliards de morts séparant le chiffre de notre population actuelle de celui jugé tolérable par les trans-humains. Mais c’est la vieille histoire des œufs et de l’omelette… Il n’est d’Utopie qui n’ait sa phase transitoire de souffrance nécessaire [*] (enfin nécessaire aux survivants bien entendu).

Que vous semble cette analyse ?

Respectueuses salutations,

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[*] Une autre nouvelle d’ASIMOV s’appelle « Triage », The Winnowing, nul doute que vous la connaissez aussi, se situe en 2005 avec 6 milliards d’êtres humains

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