Billet invité.
Les dernières révélations concernant la NSA apportent un nouvel éclairage sur ses activités et ses méthodes. Afin de mieux s’immiscer dans les réseaux de télécommunication de toute nature, l’agence pirate les ordinateurs de leurs administrateurs, comme le démontre un document interne intitulé « I hunt sys admins » (je chasse les administrateurs système) analysé par The Intercept. « Qu’y a-t-il de mieux que d’utiliser les clés du royaume de ceux qui les possèdent » s’interroge non sans raison son auteur ? La NSA aurait ainsi à sa disposition une base de données d’administrateurs système, créant autant de portes qu’elle peut ouvrir à sa discrétion. Celle-ci est probablement étendue à des administrateurs de réseaux d’entreprise et d’administrations.
Le géant des télécommunications chinois Huawai aurait été pendant des années une cible privilégiée de la NSA, comme l’a révélé le New York Times et Der Spiegel, afin d’avoir accès aux mails et documents internes de ses dirigeants. Poursuivant également comme objectif de disposer des codes secrets des produits et équipements de l’entreprise, qui permettent d’avoir accès à des « back doors » (portes dérobées) de ceux-ci. En assurant hier à son homologue Xi Jinping que « les États-Unis n’espionnent pas pour s’assurer un avantage économique », Barack Obama a nié l’évidence, après que cela a été déjà démontré au Brésil, avec notamment la surveillance de Petrobras, le géant pétrolier du pays.
Quand ils ne sont pas piratés, les grands acteurs du secteur – industriels, exploitants de réseaux et pourvoyeurs de services d’Internet – sont soupçonnés de collaboration avec la NSA. Dans le cas français, suite aux révélations du journal Le Monde qui s’est appuyé sur des documents des services britanniques GCHQ, Orange s’est réfugié dans le silence et les autres opérateurs ont opposé un démenti des plus laconique, le gouvernement n’ayant même pas réagi bien que la DGSE soit directement impliquée et que ses liens étroits avec l’opérateur historique aient été mis en évidence.
Aux États-Unis, où l’émotion des internautes est très forte, Barack Obama a donné en avant première le 21 mars dernier aux dirigeants des grands groupes opérant sur Internet – notamment de Facebook, Google, Dropbox et Netflix – les grandes lignes de la réforme des activités de la NSA qu’il prépare, ne pouvant s’en tenir à la ligne de défense de celle-ci, qui souhaitait poursuivre comme avant. Ceux-ci avaient auparavant joué les vierges effarouchées, espérant que l’audition par l’agence gouvernementale indépendante Privacy and Civil Liberties Oversight Board d’un juriste de haut niveau de la NSA serait passée inaperçue. Questionné pour savoir si les compagnies américaines avaient « pleinement connaissance de la collecte à grande échelle des données de la NSA et y portaient assistance », Rajesh De a en effet laissé échapper un « oui » sans équivoque.
Le New York Times a exposé la teneur du projet Obama. L’idée de départ avait été de trouver un tiers de confiance pour stocker toutes les données recueillies par la NSA, afin qu’elle cesse de le faire elle-même, mais elle n’a pas été poursuivie devant la difficulté à le trouver. Il serait donc simplement demandé aux compagnies de téléphonie de continuer à les conserver, et de faire droit à des requêtes judiciaires qui présenteraient mieux que la juridiction secrète actuellement en place. Un niveau de suspicion suffisant (et non déterminé) devrait être atteint pour qu’un juge intervienne à la demande de la NSA. Ce qui ne concernerait que les collectes de données des citoyens américains sur le territoire des États-Unis et laisserait, si l’on comprend bien, la NSA libre de poursuivre à l’étranger ses activités actuelles. L’essentiel est de désamorcer la contestation américaine.
Comme prévisible, un nouveau rideau de fumée ayant vocation a être plus présentable va être dressé, ce qui n’empêchera pas les révélations de se poursuivre, le sac à malice qu’Edward Snowden a confié aux journalistes étant d’après lui loin d’être vidé.
Au départ, il faut remplir certaines conditions au sein d’une nation pour s’engager dans une guerre. Un consensus maximal. L’union…