Billet invité.
Le tohu-bohu de l’univers, dans ce qu’on en avait imaginé de plus primordial, a eu le bon goût de laisser des traces. Et des traces qu’on commence à « reconnaitre » (voir ici ou ici en anglais): on peut ainsi « entendre » aujourd’hui une sorte d’enregistrement de la voix de l’univers vagissant ses premières ondes gravitationnelles, car elles ont pu s’imprimer en « ridant » les répartitions de matières, sous forme d’entrelacs particuliers du rayonnement micro-ondes fossile qui luit au fond de la mer noire de l’univers.
Les succès de l’analyse de ce fond cosmique issu du Big-Bang sont en effet à rapprocher de la reconnaissance de la voix : notre cerveau met sous forme d’une dizaine de phonèmes les différents sons de type « voyelles », signaux riches sous leur forme brute d’ondes de pressions. C’est la présence de signatures sous forme de fréquences spatiales dans le fond de l’univers, dont certaines sont appelées « acoustiques », tant elles correspondent à des oscillations mécaniques, qui jouent le rôle de ces voyelles que notre cerveau collectif, alias « la science », arrive aujourd’hui à reconnaitre: Nous voila auditeur d’un cri primal.
On entend aussi en cette mi-mars un « Small Bang », celui qui aux rives du Dniepr et de la Mer Noire, déplace la Crimée d’une sphère d’influence se disant occidentale à une autre se disant russe et un brin impériale. La voix qu’on n’entendra pas ou si peu, c’est celles des Tatars (*). Un des donneurs de leçons a-t-il plus raison que l’autre ? Ce Small Bang là n’en a rien à faire. Lire sa tectonique à l’aune du droit international conviendra au journal quotidien. Mais si l’on cherche pourquoi c’est en ce lieu que les pressions s’exercent et que le rouble chasse la grivna, on retrouve surtout un choc de deux échecs: d’un côté l’échec d’une Ukraine occidentale et mal perfusée à faire valoir comme socle de la démocratie un capitalisme mort-né d’une overdose de corruption dès son avènement (quelle place pour une démocratie dans ces conditions ? ). Et de l’autre côté, on retrouve la chance opportuniste de pouvoir piller un coffre de ressources naturelles qu’on saura négocier aux accros de tout bord.
Comme on l’a appris à cette occasion, le nom de la capitale de la Crimée, Simferopol, d’origine grecque, fut choisi par Catherine II, il signifie « Ville (Poli) du bien commun (Sim=Syn) ». Les ressources enterrées non loin du Dniepr étaient communes, les ressources exploitées auraient du s’affecter aux richesses communes. Vivement que, par un très gros Big Bang, ces sons là parviennent aux deux rives du Dniepr puis bien au-delà : ce que la Crimée crie, ce n’est pas tant la puissance d’un empire ici ou la bravoure bafouée d’un nationalisme là, c’est l’impuissance de l’un autant que de l’autre à faire vivre le bien commun.
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(*) Pour les fanas de l’analogie, les vibrations du big-bang se sont terminées quand, par dilution, la matière s’est « découplée », liant électrons et protons, et laissant les photons s’échapper. Les Tatars étaient peut-être les plus aptes à « découpler » leur mode de vie et leurs ambitions des corruptions de la rive droite du Dniepr et des prédations de sa rive gauche.
Je suis tout-à-fait d’accord avec PJ sur ce point. Je me suis d’ailleurs amusé en commentaire d’un récent billet à…