J’ai ouvert cet après-midi avec une certaine appréhension Logique du fantasme, le séminaire de Jacques Lacan en 1966-67.
J’ai ouvert celui-là parce que je ne l’avais jamais ouvert auparavant. Je me disais après m’être occupé de tout autre chose pendant bien des années : « Comment cela va-t-il m’apparaître ? Peut-être comme une suite incohérente de mots, autrement dit tel que le discours de Lacan apparaît nécessairement à la plupart des gens ? »
Y avait-il là pour moi le lieu d’une magie, l’effet d’une substance dispensatrice d’illusion, d’un pharmakon ? Et m’éveillerai-je aujourd’hui bienheureusement soudain guéri ? À l’abri désormais du pouvoir d’illusion de séquences de mots susceptibles d’impressionner celui ou celle qui est impressionnable par nature ou par manque d’éducation, parce que ces mots ont été habilement concaténés en phrases de telle manière à jeter autant de poudre aux yeux que possible ?
J’ai d’abord eu un doute, qui s’est prolongé sur quelques paragraphes, et puis non : les phrases que je lis là sont bien porteuses de signification, et mieux que cela : il y a non seulement là un discours qui parle de choses, mais un discours qui touche à proprement parler à la vérité parce qu’il lance habilement des tentacules vers l’Être-donné, le nom que Kojève donne au monde en-soi, le monde des choses telles qu’elles sont véritablement : là et bien là, même si c’est hors de notre portée.
Avec Lacan, il s’agit sans aucun doute d’un savant qui parle. Même si ce dont il parle, ce n’est pas de la science. Il parle de sujets individuels et de leur destin individuel. Il parle du singulier et non de l’universel, comme le ferait la science.
Mais si l’on est savant, et si l’on en est authentiquement un, on possède ce double talent de ne pas savoir seulement parler comme il convient de l’universel, à la manière dont le fait la science, comme l’a relevé Aristote, mais aussi du singulier.
L’astrologie n’est que bruit face à l’astronomie. Comme l’alchimie n’est que bruit devant la chimie. À ceci près que l’astrologie a l’audace de s’aventurer du côté de l’individuel (quitte à en dire « n’importe quoi », comme le font les horoscopes de la presse de caniveau). De même que la psychanalyse pourrait apparaître comme « simple bruit » par rapport à la psychologie « scientifique ». Mais cette dernière est muette pour ce qui touche aux destins individuels, sinon pour en parler en termes à ce point généraux qu’aucune règle de vie ne peut être formulée à partir de là.
J’ai ouvert pour la première fois les livres de Freud il y a plusieurs dizaines d’années. Il n’y était pas question de science à proprement parler – c’est certain – mais voilà quelqu’un qui parlait en savant d’autre chose que ce dont parle la science, et il en parlait « vrai », à l’inverse de certains qui tiennent au contraire leur discours dans l’enceinte de la science mais pour tenir eux alors un discours de charlatan.
Jacques Lacan aussi tenait le discours d’un savant, même s’il s’avançait sur des terres inexplorées dont le paysage se reconfigurait devant lui comme dans une fable de Lewis Carroll à mesure qu’il y progressait.
@Ilicitano Et pendant ce temps-là…on néglige totalement l’énergie que peuvent produire les êtres humains(« l’huile de bras », et d’imagination combinée à…