Billet invité.
Cette fois-ci, ce n’est plus une histoire de défaut d’affichage de taux d’intérêt sur un fax de confirmation de prêt.
Cette fois-ci, c’est une commune, celle de Saint Maur des Fossés, qui gagne sur l’affaire des prêts toxiques en première instance contre Dexia mais aussi contre l’État français au travers de la CAFFIL, structure créée pour reprendre les créances pourries de la banque faillie et pour lesquels les États français et belge se sont portés garants, sur le fond même de l’affaire.
Cette fois-ci, ce sont les éléments constitutifs de l’identification des taux d’intérêts sur ces contrats dits ‘structurés’ qui sont jugés défaillants, à tel point que les juges ont estimé que non seulement le taux d’intérêt dit légal devait se substituer au taux d’intérêt qui s’est appliqué jusqu’à maintenant, soit un taux de 0,04%, mais aussi que les intérêts perçus au-delà de ce taux d’intérêt légal devaient être rendus à la commune et ce depuis la signature du contrat, soit depuis presque 7 ans.
Cette fois-ci donc, c’est bien la nature même de ces emprunts qui est en cause, la nature même des contrats qui est au cœur de l’affaire, puisqu’ils sont ‘structurés’ justement selon la justice de manière à ne pas permettre, même à une collectivité locale, d’identifier les tenants et aboutissants du crédit contracté.
Et cette fois-ci, ce n’est pas seulement une perte future qui devra s’inscrire dans les livres de comptes de l’ex-banque Dexia par la diminution future des intérêts à percevoir (ceci dit en passant, la prime d’un risque que la banque a fait courir aux emprunteurs et aux contribuables) mais aussi la perte passée qu’il faudra apurer. Un risque garanti par les États, un risque garanti in fine par les citoyens sur leurs impôts.
Pour financer ce risque, l’État a fait voter une loi dont une partie a été reconnue comme inconstitutionnelle par le Conseil Constitutionnel parce que notamment son action visait à éteindre tout recours en justice sous peine de ne pas bénéficier d’aides financières et à produire une immunité aux banques concernées et à l’État français. Mais l’autre partie portant sur la création d’un fond de compensation a été validée et le dit fonds sera donc mis à contribution pour financer cette faute commise par Dexia et reconnue par la justice.
Mais ce fonds est prévu pour être financé à hauteur de 100 millions d’euros par an, pendant 15 ans, à moitié par les banques via une taxe et à moitié par l’État. Le problème, c’est que cette fois-ci c’est bien sur le fond de l’affaire que le risque porte, à savoir qu’il peut être reconnu par d’autres tribunaux dans les innombrables affaires portées par les collectivités en justice, générant ainsi à la fois une baisse des revenus futurs pour financer la liquidation de Dexia mais aussi des pertes à apurer pour les États garants, auxquelles le dit fonds de compensation se révèle bien incapable de faire face.
Pire, ce même fonds avait été constitué à parité de financements entre banques et État, partant du principe que les deux parties avaient des torts partagés et surtout des torts égaux. Or, c’est aussi sur ce point là que le jugement récent transforme radicalement les choses puisque Dexia et la CAFFIL sont condamnés et eux seuls : la responsabilité leur incombe donc à 100%.
Il serait donc logique que le fonds de compensation, dans le respect de la chose jugée, soit financé à 100% par les banques, françaises mais pas uniquement (anglaises, américaines, via le transfert des emprunts).
Il serait donc logique que le gouvernement actuel, qui certes récupère la calamiteuse stratégie du gouvernement passé de garantir sur fonds publics les errements et les fautes des banques mais qui pourrait fort bien s’en extraire en faisant enfin payer le prix à celles par qui le scandale et la crise sont advenus, sorte enfin des faux-semblants dans lesquels il s’est drapé depuis, y compris en tentant de faire passer une amnistie bancaire rétroactivement.
Il serait ainsi pour le moins incongru en ces temps de réduction des dépenses publiques que le Ministère des Finances souhaite voir opérer sur les 3 ans à venir que des dépenses supplémentaires issues de banques faillies et sauvées par l’État ne soient in fine payées par les citoyens par des hausses d’impôts et/ou des baisses de ressources allouées, notamment aux plus fragiles.
Il serait encore plus effarant que le gouvernement actuel en vienne à réintroduire par la fenêtre ce qui a si bien et si clairement été sorti par la porte par le Conseil Constitutionnel en proposant une nouvelle loi qui viserait à empêcher les collectivités locales à aller en justice, sous peine de perdre le bénéfice, déjà insuffisant, du fonds de compensation qu’elles ne devraient par ailleurs même plus financer.
Cette fois-ci, en ces temps d’élections municipales, il pourrait être demandé aux candidats déclarés ce qu’ils pensent de cette affaire et surtout ce qu’ils pensent en faire.
Cette fois-ci, M. Moscovici va devoir choisir clairement son camp : ou bien amnistier les banques et faire payer les citoyens, ou respecter la chose jugée et faire payer les banques. La finance ou la justice.
Nous sommes impatients, en ces temps électoraux, de connaître le choix du Ministre de l’Économie et des Finances.
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