LA MALÉDICTION DE LA DETTE, par François Leclerc

Billet invité.

Allons à l’essentiel : la dette mondiale est passée de 40.000 milliards de dollars en 2000 à 100.000 milliards à mi-2013, selon la Banque des règlements internationaux (BRI). Ces énormes montants représentent l’addition de la dette obligataire des États, des entreprises et des établissements financières, hors dette des particuliers.

Le montant intermédiaire de 2007 – 70.000 milliards de dollars – permet de mieux distinguer les causes de cette énorme progression, comme si l’endettement à outrance avait dans un premier temps été à la source de la croissance enregistrée avant le démarrage de la crise, pour ensuite être la conséquence de cette dernière, en raison de l’incidence de la baisse de la croissance sur les rentrées fiscales et de l’accroissement des mesures de soutien à l’économie. L’augmentation de l’encours de la dette souveraine en témoigne, qui a progressé à elle seule de 80% en six ans, pour atteindre 43.000 milliards de dollars en 2013, toujours selon la BRI.

L’importance des traites qui ont été tirées sur l’avenir déstabilise aujourd’hui le système financier après l’avoir sauvé. En premier lieu parce que les investisseurs ne trouvent plus si facilement les placements sans risque auxquels ils étaient accoutumés, en raison de la dégradation générale de la qualité des titres souverains. En second, comme vient de le souligner la BRI, parce que les taux proches de zéro consentis par les banques centrales aux banques sont susceptibles d’avoir comme conséquence des prises de risques grandissantes sur les marchés financiers.

Le critère d’un seuil donné du taux de chômage ayant été abandonné, les banques centrales se sont depuis engagées à maintenir longtemps leur politique de très bas taux, avec comme principale préoccupation d’éviter toute hausse significative des taux sur le marché obligataire. Celle-ci viendrait en effet surenchérir le coût de la dette et contrarier sa stabilisation, puis sa décrue, objectifs prioritaires car favorisant le retour à l’équilibre du système financier. Il en ressort que non seulement la période à venir va continuer d’être marquée par une faible croissance, un chômage élevé et des pressions déflationnistes plus ou moins fortes, mais qu’elle risque de connaître de nouveaux incidents de parcours.

La titrisation est relancée avec une forte dynamique aux États-Unis, en s’appuyant sur le crédit automobile comme si rien ne s’était passé, illustrant ce que la BRI redoute. En Europe, où une relance de la croissance à crédit est recherchée, les investisseurs restent à convaincre. À quels prêts des titres pourraient-ils être adossés pour être réputés sans risque et les attirer ? Après avoir envisagé d’y contribuer, la BCE a renoncé, et aucun projet n’est aujourd’hui annoncé. Michael Diekmann, à la tête d’Allianz, le numéro 2 mondial de l’assurance, préconise de financer par cette méthode le capital-investissement, plus particulièrement dans le secteur des infrastructures. En attendant, le crédit bancaire aux entreprises continuent de chuter.

Comme il n’est pas question de réduire l’endettement en procédant à une restructuration, deux options peuvent être combinées : rembourser la dette souveraine aux conditions qui sont actuellement pratiquées, ou repartir dans une nouvelle fuite en avant. En Europe, la solution d’un achat massif de la dette par la BCE étant rejetée, la relance de la titrisation reste seule en lice, tout en s’apparentant également à un miracle. Mais si cette voie qui consiste à relancer l’endettement pour en faire autant de la croissance n’est pas d’avantage empruntée, comme c’est pour l’instant le cas, il ne restera plus que la première option. Elle ne brille pas par ses résultats et ne va pas mener très loin.

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