À propos de DIX ÊTRES HUMAINS RÉSOLUS POUR SAUVER UNE ESPÈCE EN DANGER ! (II), par Jacques Seignan

Billet invité. À propos de DIX ÊTRES HUMAINS RÉSOLUS POUR SAUVER UNE ESPÈCE EN DANGER !

Avec le recul du temps, Paul Jorion apparaîtra comme le seul penseur ayant analysé la Crise sous ses trois composantes – en synergie dont l’image est celle d’un soliton. De plus si les composantes économiques et écologiques sont souvent analysées par de nombreux spécialistes ou experts – et tout le monde (presque) a bien pris conscience de ces défis – pour autant, jamais (à ma connaissance) la composante de la complexité non maîtrisée n’est explicitement mentionnée au même niveau que les deux autres, par les conséquences induites sur la survie de notre espèce.

Depuis tout gamin, je suis un passionné de technologies (sans parler de sciences); après avoir été scotché devant la télé en juillet 1969 pour le premier alunissage, je suis toujours avide de voir les images de Mars prises par les robots. Quand je vois une tablette, je me prends à songer que cette merveilleuse machine est un incroyable condensé de technologies et non une ardoise magique, comme tout nous le fait croire. Dans une discussion entre nous, Patrick Roinsard (« Léoned ») rêvait de voitures avec « système de pilotage automatique et guidage GPS » et Pierre Sarton du Jonchay évoquait une façon nouvelle d’utiliser l’Internet des objets, à notre service dans une démocratie véritable.

Or ma réaction instinctive est de refuser ce type de progrès. Serais-je donc à mon insu (de mon plein gré) devenu technophobe et passéiste ? En réalité, je pense ne pas être le seul dans cette contradiction apparente entre une fascination et une passion pour la technologie et un rejet instinctif de leurs évolutions récentes, telles par exemple celles évoquées ci-dessus. Les questions qui se posent, selon moi, sont : 1) sont-elles utiles ? 2) avons-nous encore le temps de maîtriser ce processus de complexification exponentielle ? Cette complexité est essentiellement celle générée par les ordinateurs, automates, les programmes informatiques ou autres algorithmes. Comme la plupart du temps dans l’Histoire de l’Humanité, rien n’est réellement voulu ou décidé et on roule souvent vers l’abîme, comme par exemple l’Europe en 1914. Paul Jorion a soulevé la question : il faudra accepter de revenir en arrière sur certains points. Dans Misère de la pensée économique, il écrit page 87 :

« La question qu’il convient de se poser aujourd’hui le plus sérieusement du monde est : disposons-nous encore du pouvoir sur les ordinateurs et les automates (à part bien entendu, celui de couper le courant), et si nous l’avons perdu, comment le reprendre ? »

Êtes-vous satisfaits par cette dépendance croissante et envahissante à des technologies que nous ne comprenons pas plus que nous ne les dominons ? Y-aurait-il un effet générationnel ? Ayant connu un monde plus rustique et moins sophistiqué (sans en être plus malheureux, bien au contraire…) et avoir vécu cette période inédite d’accélération vertigineuse du « progrès », est-ce une simple nostalgie ou une angoisse justifiée ?

Paradoxalement, la complexification a certainement apporté davantage de fiabilité, sécurité et bien sûr une meilleure maîtrise du monde – et on pourrait penser à la biologie où l’on voit que la complexité se conjugue à la robustesse et l’adaptation – mais il me semble que dans le tournant actuel on obtient des effets pervers, fragilités, difficultés, soumissions… Aurait-on atteint le pic de ce que la complexité technologique peut nous faire gagner en liberté pour ensuite nous aliéner totalement ? Un autre risque majeur pourrait naître que Paul Jorion vient de rappeler avec force. Si l’on accepte que l’homme est d’abord un corps animal qui agit, et ensuite une conscience qui, a posteriori, mémorise son action (cf. Benjamin Libet) lui donnant l’illusion de « penser » par sa propre volonté, de suivre ses intentions (1) & (2), il devient plus en plus évident que l’on approche de la Singularité de Ray Kurzweil (3) : l’apparition d’une nouvelle sorte de conscience basée sur les circuits intégrés, par milliards interconnectés … et qui sera exactement dans cette même illusion que la nôtre, croire à son ego – mais avec une puissance inouïe de mémoire et de calcul, répartie sur tout le globe !

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(1) cf. Billet de J. Favret Saada : Pour le chantier « Se passer de la volonté et de l’intention »

(2) cf. billet de Fabien Villard : L’illusion du concept de dessein

(3) Ray Kurzweil, une vidéo de ARTE où il parle de la singularité.

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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