La séparation des activité bancaires : Barnier-Noyer = 0-0, par François Leclerc

Billet invité.

La confusion bat son plein à propos du projet de séparation des activités bancaires de la Commission européenne, alimentée cette fois-ci par la tribune dans Le Monde de Christian Noyer daté de jeudi, le gouverneur de la Banque de France, qui réitère son opposition à celle-ci, et par Michel Barnier qui la défend dans une autre tribune parue dans Les Échos du même jour, sous le titre « Rétablir les faits » (comme s’ils étaient déformés). Le premier lève comme a l’accoutumée l’étendard de la banque universelle, cher notamment aux banques françaises, et fait valoir que les modalités du projet mettraient en danger le financement des entreprises. Michel Barnier rétorque qu’en interdisant les activités les plus risquées, l’objectif est au contraire d’inviter les banques à se consacrer au financement de l’économie.

Christian Noyer a beau jeu de faire remarquer que « la finance forme un tout », que l’on ne peut scinder, et que les plus grands sinistres bancaires sont venus de banques d’affaires, pour faire valoir que les banques universelles ont mieux résisté au choc, justifiant ainsi que c’est « une illusion » de renforcer la sécurité par la séparation de leurs activités. La vivacité de la réaction du gouverneur de la Banque de France s’expliquerait-elle toutefois par la faiblesse dissimulée des banques françaises, qui auraient à tout prix besoin du matelas financier procuré par les dépôts (par ailleurs garantis jusqu’à 100.000 euros par l’État) ?

Michel Barnier fait de son côté remarquer que les banques ne seraient pas scindées dans son projet, mais leurs activités uniquement filialisées quand celles-ci seraient considérées dangereuses par la BCE, car dépassant des seuils de risque donnés. Cela pourrait être le cas de la tenue de marché, des transactions de produits dérivés complexes et de la titrisation. Pour mémoire, le rapport Liikanen commandé par la Commission avait pointé le niveau anormalement élevé des activités de tenue de marché, en tirant comme conclusion que certaines relevaient de la spéculation. On comprend sur quoi porte effectivement le débat.

La complexité de la réforme illustre la difficulté de définir des règles de séparation des activités, si l’on n’adopte pas des positions tranchées, les exemples de lois occupant des volumes entiers ne manquant pas ! En réalité, aucun des deux protagonistes n’aborde l’unique question qui vaut : si des produits sont dangereux, pourquoi tout simplement ne pas les prohiber au lieu de chercher à en évacuer le risque on ne sait où ? Qu’apportent-ils et à qui ? Dans sa tribune, Christian Noyer pose d’ailleurs une excellente question : « quelles sont les opérations utiles ou pas à l’économie réelle ? », mais il la laisse sans réponse, considérant implicitement qu’elles sont toutes dans ce cas !

Toutes les versions des tentatives de séparer le bon grain de l’ivraie afin de renforcer la résistance des banques éludent cette question, les condamnant à être inopérantes. De la même manière que les mesures anti-systémiques ne peuvent combattre un risque désormais profondément ancré dans la nature même du système financier. Quand les mesures de régulation ne sont pas contournées, leur application crée des problèmes qui sont éludés. Le passage obligé des produits dérivés standard (c’est à dire que l’on peut compenser) dans des chambres de compensation concentre le risque dans celles-ci. L’obligation de déclaration de tout nouveau produit dérivé voulue par la directive européenne Emir, qui entre en vigueur le 12 février, va ensevelir sous des montagnes de données les régulateurs, par exemple l’Autorité des marchés financiers française (AMF) qui reconnaît ne pas avoir les moyens de les traiter, dans un pays où les banques sont particulièrement actives sur ce marché…

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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