Billet invité
« La politique de la France ne se fait pas à la corbeille » avait lancé De Gaulle. S’il en était ainsi, les temps semblent avoir changé, tellement il est attendu du système financier qu’il sauve la mise. À ce titre, il bénéficie d’attentions renouvelées qui font des établissements bancaires des enfants gâtés. Est-ce bien raisonnable ?
Une nouvelle fois, le ministre des finances français prend la défense de ses champions, les banques, pour réclamer à la Commission européenne qu’elle « respecte les législations » allemande et française. De quoi s’agit-il ? Du projet bruxellois de séparation des activités bancaires qui va être rendu public le 29 janvier, qui est pourtant – pour ce que l’on en connait déjà – très en deçà des préconisations du rapport Liikanen et des recommandations de la commission britannique Vickers. En s’abritant ainsi pour le critiquer derrière les lois adoptées en Allemagne et en France, le ministre français tente de mettre tout le monde devant le fait accompli.
La configuration de la banque universelle, qui associe dans une même structure les activités de banque de dépôt et la spéculation financière, a laissé intact l’aléa moral, cette forte incitation à prendre des risques en raison du filet de sécurité tendu par les pouvoirs publics. Une étude commandée par le groupe écologiste du Parlement européen chiffre entre 200 et 300 milliards d’euros annuels l’avantage financier dont les banques bénéficient en raison de cette garantie implicite et des taux d’intérêts plus favorables qui en découlent. Voilà qui éclaire mieux la situation.
Engagée depuis le début du mois dans l’examen des actifs bancaires de 128 banques, la BCE va-t-elle contribuer à cet éclaircissement ? Des réserves se font déjà jour. En particulier, elle ne peut exiger l’application de normes comptables qui iraient au-delà de celles de l’IFRS. Celles-ci ne rendent obligatoire de provisionner les pertes que lorsque qu’elles sont constatées et non pas latentes ! Comment, dans ces conditions, prendre en compte les défauts à venir sur les crédits bancaires ? Comment rapprocher les comptes des banques des estimations réalisées par la BCE ? Avec quelles chiffres calculer les ratios de Bâle ?
Par ailleurs, plus on en apprend de concret sur l’exercice engagé par la BCE, plus le doute s’installe sur sa capacité à mesurer la qualité des bilans qu’elle va scruter. Cela commence par l’hétérogénéité des données d’un pays à l’autre et se poursuit par la masse de celles-ci qu’il faut analyser, notamment concernant les dérivés. Les choix méthodologiques seront donc primordiaux. Mais les obligations de confidentialité finale mènent tout droit à l’établissement de deux rapports distincts : l’un externe et aux conclusions politiques, et l’autre interne à la BCE, afin qu’elle se fasse sa religion !
Si cela ne suffisait pas à convaincre de l’extrême indulgence dont bénéficient les banques – une fois rappelé que le Comité de Bâle s’apprête, selon une information publiée par Reuters le 10 janvier, à émousser sa réglementation relative au calcul du ratio d’effet de levier des banques – des rumeurs courant à Davos ont fait état de nouvelles intentions de la BCE, rapportées le 26 janvier par le Financial Times. Selon celles-ci, l’institut d’émission envisagerait de lancer un programme d’achat de paquets de crédits bancaires aux entreprises et aux particuliers, au nom de la lutte contre la déflation. Prenant acte que le marché de la titrisation reste atone, l’objectif revendiqué serait d’inciter les banques à développer le crédit, alors que le but inavoué serait de soulager leurs bilans afin de les aider à respecter les contraintes réglementaires et de donner à la BCE un peu de marge de manœuvre pour son examen des bilans bancaires.
Pour occuper le devant de la scène, les ministres allemand et français veulent relancer le projet de taxe sur les transactions financières, sur le principe duquel onze pays européens s’étaient mis d’accord sans s’entendre sur ses modalités. Sigmar Gabriel, le nouveau ministre de l’économie, membre du SPD, a déclaré hier lundi qu’« il était difficile d’expliquer aux citoyens que les principaux responsables de la crise ne soient pas impliqués dans le remboursement de cette dette ». Louable et modeste attention !
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