Billet invité
Les débats entre économistes patentés sont parfois déroutants ! Par exemple celui qui porte sur la déflation en Europe, certains mettant en avant ce risque, comme Christine Lagarde (FMI), et d’autres le croyant limité, comme Jens Weidmann (Bundesbank). La baisse de l’inflation en dessous du taux cible de 2 % se poursuivant au sein de la zone euro – on en était à 0,8 % en décembre dernier – ce dernier fait état, pour justifier sa position, du réalisme sur lequel repose l’anticipation à long terme d’un taux de 2 %, le justifiant par la reprise économique en cours. Bien que celle-ci soit anémique et fragile, comme en témoignent tout particulièrement les derniers chiffres en provenance… d’Allemagne. Le PIB allemand a cru de 0,4 % en 2013, plus faible progression depuis quatre ans.
En tout état de cause, ce n’est que l’épaisseur du trait qui, à ce rythme, va séparer la tendance déflationniste qui s’accentue de la déflation proprement dite. Une simple question de seuil. Avec les mêmes effets : certes, les prix montent peu ou même pas du tout, mais le poids de la dette à réduire ne s’en trouve pas soulagé pour autant, ne contribuant pas spécialement au succès de la politique de dévaluation interne.
Autre exemple : afin de mieux apprécier la politique de diminution des achats d’actifs de la Fed, il ne manque pas d’analystes pour s’interroger gravement à propos de l’embellie boursière actuelle, en se demandant ce qui permet de reconnaître une bulle financière, afin d’agir à temps pour éviter qu’elle n’éclate, donnant l’impression qu’ils buttent sur la fameuse question : à partir de combien de cailloux peut-on parler d’un tas ?
Mais si le caillou ne le fait pas, l’arbre cache parfois la forêt ! Car la combinaison d’un taux très bas de la Fed – destiné à être maintenu selon la « forward guidance » – et de l’injection cumulée d’une grande masse de liquidités (le bilan de la Fed pourrait atteindre 4.500 milliards de dollars cette année, environ le quart du PIB américain) a d’autres conséquences plus lourdes : le marché de la titrisation redémarre en force aux États-Unis, sous l’impulsion d’une forte demande d’investisseurs cherchant des placements attractifs et empruntant les canaux d’un shadow banking en plein essor.
En son sein, les Reits (1) et les BDC (2) sont identifiés comme des fauteurs de trouble potentiels, qu’il ne faut pas trop brider par ailleurs, afin de ne pas perturber la reprise ! Ils sont particulièrement actifs sur le marché des CMBS (3), les banques n’étant pas en mesure de répondre à la demande afin de respecter les exigences de leur renforcement, se réservant pour leurs meilleurs clients. Mais, qui dit intérêt plus attractif dit aussi baisse des standards de titrisation… Le risque qui en résulte grandit, pouvant tout aussi bien provenir de la hausse des taux occasionnée par la diminution des achats de titre de la Fed, car un tel retournement de marché affecterait sérieusement les Reits et les BDC qui se financent sur le marché à court terme des repos ! Et, sans que l’on puisse en prédire l’ampleur, les banques dont ils sont les débiteurs par ricochet. Nous nous retrouvons en plein risque systémique !
Cela contribue à expliquer la multiplication des mises en garde de ces derniers temps à propos du shadow banking, que ce soit en provenance du Conseil de stabilité financière (FSB) ou de la Banque d’Angleterre, son nouveau gouverneur Mark Carney proposant que les institutions financières non-bancaires puissent accéder aux guichets des banques centrales afin de se refinancer. Les « vraies banques », pour leur part, ne cessent d’utiliser comme un repoussoir le danger montant du shadow banking afin d’obtenir des assouplissements réglementaires, qui à ce jeu vont se poursuivre après les derniers en date du Comité de Bâle. Si l’on comprend bien la logique du raisonnement, le risque bancaire est plus facile à maîtriser puisque les pouvoirs publics sont là pour y faire face ! Encore bravo !
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(1) Reits : Real estate investment trust, structure dédiée à l’investissement sur le marché immobilier, cotée en Bourse ou non.
(2) BDC : Business development company, fond d’investissements côté en Bourse spécialisé dans les prêts aux PME.
(3) CMBS : Commercial mortgage-backed securities, titres résultant de la titrisation de prêts sur le marché immobilier commercial.
C’est pas bien de se moquer ! Mango nous montre qu’elle perception on peut avoir de la gauche quand on…