Billet invité
Ne sachant plus sur quel pied danser, une fois sauvé son petit monde financier, la Fed s’est lancée dans la « forward guidance », suivie par la BCE vu son succès d’estime. En annonçant à l’avance la politique qu’elles entendent poursuivre, les deux banques centrales continuent de s’éloigner d’une tradition d’hermétisme bien établie, destinée à prendre par surprise les marchés pour mieux imposer leur volonté. Il est vrai qu’il leur reste l’opacité, mais elles n’en ont pas l’exclusivité.
Faut-il que la situation soit hors-norme pour qu’une telle transgression soit entérinée ? Et n’avoir rien d’autre sur étagère ? Dans l’immédiat, les banquiers centraux promettent, faute de mieux, de poursuivre la mise en oeuvre de leurs mesures non conventionnelles : prêts à taux proches de zéro, liquidités abondantes et assouplissement quantitatif (déguisé dans le cas de la BCE). La Fed procède à un ajustement en diminuant progressivement ses achats de titres – le mot à la mode est devenu « tapering » (dégressivité) – tandis que la BCE fait du sur place comme la Banque d’Angleterre. Mais un gros malaise subsiste, faute d’assurance que tout soit redevenu comme avant, une fois enregistré le peu de résultats de leur action en faveur de la relance.
L’objectif de la « forward guidance » est de rassurer et de montrer que les banques centrales veillent au grain. Que la situation étant stabilisée, les affaires peuvent reprendre. Quand Mario Draghi, le président de la BCE, en vient à mettre les points sur les « i », il va plus loin encore en déclarant que, quoi qu’il advienne, il fera ce qu’il faudra (mais sans dire quoi). La magie des mots est-elle si forte, dans la bouche d’un banquier central ? Au fil des déclarations des uns et des autres, le flou qui entoure leurs visions respectives de la « forward guidance » accrédite l’idée que ce sont des propos de circonstance. En vérité, aucun d’entre eux ne sait jusqu’à quand les mesures non conventionnelles vont rester en vigueur.
L’heure est grave : les banquiers centraux sont entrés en territoire inconnu et les marchés avec eux, mais comment pourraient-ils le reconnaître, au risque de perdre leur contenance et leur crédibilité ? L’impuissance des banques centrales était déjà avérée sur les marchés monétaires, où elles ne font plus le poids. Où va-t-on si, tout en élargissant leur mission, elles ne parviennent plus à être ce dernier recours grâce auquel tout devrait rentrer dans l’ordre ? La normalisation n’est pas pour demain.
(suite) (« À tout seigneur tout honneur ») PJ : « il n’est pas exclu du tout que je me retrouve dans la…