Billet invité.
Quelques faits concrets pour illustrer la fin de l’emploi, du moins chez nous.
Le mois passé, dans la grosse boîte du secteur financier où je preste actuellement, j’ai vécu la réorganisation de plusieurs services. Ils se regroupent, changent d’étage, etc. Ils ont fait appel à la société habituelle (une société bruxelloise) pour opérer le déplacement du mobilier. On les connaît, ils viennent au moins 8 fois par an pour faire ce type d’opération. A la surprise générale, ce ne sont pas les ouvriers habituels. Ils sont remplacés par 5 Roumains. Le contremaître bredouille quelques mots d’anglais, ce qui permet à grand renfort de gestes d’expliquer ce qu’on attend d’eux.
Quand certains employés expriment leur surprise, le responsable de la gestion du site explique que depuis +/- 6 mois les déchets sont déjà évacués par des chauffeurs portugais. Sa maman étant portugaise d’origine, il a sympathisé avec certains et ils lui ont expliqué qu’ils rentrent chez eux une fois tous les 15 jours pour le week-end. Ils travaillent pour une société portugaise (et à des salaires portugais bien sûr) qui les loue à la société de gestion de déchets belge. Il nous raconte aussi que plusieurs sociétés lui proposent des services à prix cassés en utilisant les mêmes procédés. Il nous dit aussi, qu’il est très ennuyé, pour son évaluation, par le contrat qui le lie, pour 7 mois encore, à son prestataire actuel.
Et puis, il y a mon client transporteur chez qui j’interviens ponctuellement qui va se délocaliser vers la Roumanie l’année prochaine parce que « C’est ça, où mettre la clé sous le paillasson ! ». Il n’arrive plus à être rentable avec des chauffeurs, des lois sociales et des taxes belges… Ses concurrents sont bien moins chers que lui et il perd tous ses clients.
Et si le tableau de la libéralisation version Bolkestein semble déjà assez sombre pour notre « État Providence » et son système social, c’est malheureusement loin d’être fini !
La grosse boîte dont je parle au début est elle-même engagée depuis 3 ans dans un processus de délocalisation de ses services administratifs vers l’Inde et le Portugal. En conséquence, imperceptiblement, mais avec la régularité du métronome, chaque mois, le personnel diminue (+/- 200 personnes en 6 mois). Renseignement pris auprès de confrères, la tendance semble identique dans d’autres boîtes du secteur.
Bien sûr, il y a des départs « naturels », le fameux papy boum, mais il y a aussi les CDD et les prestations d’externes qu’on ne renouvelle plus (ils ne sont même pas dans le décompte ceux-là !). Et puis il y a les autres, que l’on vire au compte-gouttes parce qu’il ne faut surtout pas dépasser les limites qui feraient basculer la société dans un plan de licenciement collectif, aveu d’une restructuration qui ne veut pas dire son nom !
Le service des ressources humaines est donc sur les charbons ardents : il ne faut pas que ça se voie, que ça se sache … Sans compter que dépecer la bête ainsi n’est pas un exercice facile. Il faut boucher les trous au mieux, réorganiser, transférer, reformer…
Dans la boîte, tout le monde sait, mais le sujet est tabou. On en parle peu… Et porte fermée… On a peur ! Même avec 20 ans d’ancienneté, si on ne fait pas un boulot de niche, le poste est « délocalisable ». En 2014, démarre la deuxième vague de délocalisation. Même le processus décisionnel sera concerné. Des pans entiers de l’activité vont partir en Inde l’année prochaine y compris les fonctions de middle-management.
Les rares gens, avec qui j’ai pu en parler, racontent qu’ils thésaurisent, en prévision des temps difficiles qui s’annoncent, dans un futur qu’ils espèrent n’arriver qu’aux autres. Même les syndicats se taisent !
Combien de temps pourra encore tenir un système que tout ou presque tend à détruire ?
Joyeux noël et tous mes vœux pour l’année qui s’annonce…
Est-ce que pour détendre un peu plus l’atmosphère pesant sur le soutien ou pas à apporter au mouvement d’agriculteur proche…