Billet invité.
« Je ne veux pas voir une tête qui dépasse » est un classique de l’armée, repris à leur compte par les membres de la Troïka. Sauf qu’il s’agit cette fois-ci non pas des têtes des soldats mais du ratio de déficit public, considéré comme méthode de pilotage optimum de l’économie d’un pays. Avec comme avantage partagé que cela évite de trop réfléchir.
Ses représentants sont de retour au Portugal, afin de procéder à un nouvel examen, en prélude au déblocage d’une nouvelle tranche du programme d’assistance financière du pays. Ils ont atterri à Lisbonne une semaine après l’adoption d’un nouveau plan de rigueur par le Parlement, accompagnée de son cortège de grèves et de manifestations. Ainsi qu’au lendemain d’un échange réussi (swap) de titres de la dette portugaise sur le marché, pour un montant de 6,6 milliards d’euros, avec pour objectif d’étaler son remboursement afin de moins solliciter le marché lorsqu’il va falloir se représenter devant lui en juin prochain. Mais la saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République, qui joue les mouches du coche, crée une incertitude : si la diminution prévue de 10% des pensions des fonctionnaires devait être retoquée, d’autres économies devraient être trouvées. Pas une tête ne doit dépasser.
Les experts du FMI ont également une autre brillante idée : face au chômage des moins de 25 ans qui a atteint selon l’OCDE le taux de 36% en juillet dernier, ils réclament la baisse du salaire minimum de 485 euros mensuels, suscitant un refus catégorique non seulement syndical, mais aussi patronal, ainsi que gouvernemental par voie ultime de conséquence. En 2013, les 25 plus grandes fortunes portugaises ont augmenté de 16%, selon le palmarès annuel du magazine Exame, tandis que 17,9% de la population se trouvait en 2011 officiellement en situation de pauvreté en 2011 (cela ne s’est pas amélioré). Encore bravo !
La Troïka ne procède pas avec plus de sentiment en Grèce, réclamant le non renouvellement du moratoire sur les saisies immobilières des résidences principales institué en 2010 et qui prend fin au 1er janvier prochain. Il a comme critère non pas la dette des personnes en défaut de paiement mais leur revenu. C’est le dernier rempart, après les hausses d’impôt et du chômage, ainsi que les baisses de salaires, derrière lequel les Grecs, dans leur grande majorité propriétaires de leur logement, peuvent encore se réfugier. L’acte final, s’il devait intervenir, de la dégringolade sociale et l’approfondissement d’une rupture politique, économique et sociale déjà bien entamée. La levée du moratoire pourrait entraîner la saisie de 110.000 habitations et les discussions à ce sujet se poursuivent entre le gouvernement et la Troïka, à plusieurs reprises interrompues. La Commission revendiquant comme politique de poursuivre la protection « des plus vulnérables ».
L’objectif poursuivi est de protéger les banques grecques, qui affichent un taux de créances douteuses de 29% de leurs crédits, dont une part importante provient des prêts immobiliers. Ce même taux était de 12,12% en Espagne en août dernier. Les Grecs ont suspendu le remboursement de leurs emprunts immobiliers afin de pouvoir maintenir un niveau de consommation courante minimum.
Une échéance électorale doit intervenir en mai prochain, dans un contexte où le gouvernement de coalition Nouvelle Démocratie-Pasok est à bout de souffle et ne dispose plus que d’une majorité réduite à quatre sièges au fil des démissions ou des exclusions des députés qui en sont membres. Les sondages continuent de donner Syriza comme prochain vainqueur, et son leader Alexis Tsipras, réclame toujours une nouvelle restructuration de la dette grecque, avec comme argument adressé aux Allemands que l’argent qu’ils ont donné à profité aux banques, qui sont un trou sans fond, et qu’ils l’ont de toute façon déjà perdu.
Le gouvernement espagnol a trouvé un autre moyen de se financer pour atteindre ses objectifs de réduction du déficit : il puise dans le fonds de réserve des retraites des fonctionnaires. Après avoir atteint 77 milliards d’euros, celui-ci n’est plus que de 53,7 milliards d’euros après des retraits successifs ; à comparer avec le montant annuel des pensions versées, qui est proche de 100 milliards d’euros, cela ne représente plus que six mois de réserves. Circonstance aggravante, celles-ci sont depuis 2012 à 97% investis exclusivement dans des titres de la dette espagnole, les rendant particulièrement vulnérables à une hausse des taux diminuant leur valeur. Rétrospectivement, on comprend mieux comment les émissions ont été couvertes sur le marché !
La liste des expédients s’allonge afin de formellement répondre aux exigences de la Troïka, le bras armé des dirigeants européens. Mais à force de racler, l’os est atteint.
Ruiz tu écris : « Le coffre fort de l’argent public est grand ouvert grâce au mouvement écologiste de gauche » C’est…