L’actualité de demain : NOTRE REGRETTÉ SMI QUI VA DISPARAITRE, par François Leclerc

Billet invité.

Cela prend du temps, mais l’éloge du système monétaire international est en cours de rédaction finale, sur le thème : quand les faits ne correspondent plus aux principes, que faut-il changer ? Déjà, ceux-ci sont malmenés par les pays qui opposent des restrictions à la liberté des changes, afin de protéger leur monnaie des effets de la politique américaine et des mesures de la Fed. Les accusations de manipulation pleuvent, comme si celles qui sont établies à propos du Libor et présumées sur le Forex ne suffisaient pas.

Nouveauté, le Trésor américain vient de mettre en cause la politique économique allemande, coupable de tirer vers le fond ses partenaires européens et d’être à l’origine d’une tendance déflationniste, n’oubliant pas le cas du Japon. Son doigt était jusqu’à maintenant pointé vers la seule Chine, responsable d’une sous évaluation du yen favorisant ses exportations, et l’administration américaine s’en tenait là. Désormais, Chine, Japon et Allemagne – ces trois principales puissances économiques mondiales après les États-Unis – sont sur la sellette.

Les accusations de dévaluation compétitive fusent, mais les pays qui souffrent de la guerre de la monnaie rétorquent que ce sont les États-Unis qui ont déclenché les hostilités. Le Trésor américain critique des modèles économiques reposant sur l’exportation, selon leurs variantes chinoise, japonaise ou allemande, mais les États-Unis ne procèdent-ils pas de la même ? De tous côtés, des limiers sont sur la piste des distorsions du marché, qui ne manquent pas. L’administration américaine qui évaluait jusqu’alors séparément les politiques monétaire et économique de ses alliés les rassemble désormais dans une même appréciation critique.

Encore une fois, la question est posée : que faut-il incriminer, les distorsions ou leurs causes ? À force d’aligner les coupables, va-t-il falloir en arriver à mettre en cause la clé de voute de leurs rapports commerciaux : le système monétaire international ? Sommes-nous arrivés au terme d’une aventure qui a pour nom la libre circulation des marchandises et de la fixation sans entrave de la parité des monnaies sur son marché informel, qui assurait la prééminence américaine en s’appuyant sur le privilège exorbitant accordé au dollar ? Un pas de plus vient d’être franchi.

On apprenait simultanément que les principales banques centrales (*) venaient de décider la permanence de leurs accords de swaps de monnaies entre elles, afin de se substituer le cas échéant au marché. Car si le volume des transactions sur le Forex (le marché des changes) ne cesse de croître, les banques peinent parfois à trouver des devises pour leurs clients. Signe que la crise a atteint le marché monétaire, les banques centrales se préparent à suppléer aux dysfonctionnements qui s’y constatent. Chaque fois qu’elles s’engagent dans une nouvelle mission, c’est rarement bon signe ! Conduisant certains à dénoncer les distorsions de marché qu’elles créent, à la manière de l’arroseur arrosé…

Tout le monde est censé laisser faire le marché, mais les interventions destinées à limiter les dégâts qui y sont constatés se multiplient. Au final, les dysfonctionnements s’accroissent et il n’y a pas d’arbitre pour siffler la fin de la partie. Le général Keith Alexander, le patron de la NSA, propose à ses collègues de s’assoir autour d’une table pour renégocier les termes d’une coopération qui n’aurait jamais du être publiquement évoquée ; Jack Lew, son homologue du Trésor, n’a même pas cette ressource, car cela reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore.

Le temps de l’épitaphe n’étant pas encore venu, mais celui de l’épilogue l’est : la Fed vient d’annoncer la poursuite de ses achats mensuels de titres, et la Banque du Japon le maintien de son objectif de doublement en deux ans de la masse monétaire ; dans son cas, la question n’est pas de savoir quand elle va commencer à lever le pied, mais au contraire accélérer, faute de l’inflation attendue. Trois des neuf dirigeants de la banque centrale ont sans attendre jugé irréaliste d’affirmer cette perspective.

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(*) États-Unis, Canada, Japon, Royaume-Uni, BCE et Suisse.

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