Solder la faillite des États-Unis d’Amérique, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

Le financement de la république impériale étatsunienne par la création monétaire oligarchique est la clé d’intelligibilité historique de la déroute financière d’aujourd’hui.

Schématiquement les États-Unis ont achevé la construction de leur empire intérieur en même temps que les grandes puissances européennes ont achevé leurs empires coloniaux. Tout le monde s’est retrouvé en 1914 à court de conquêtes pour gager les politiques monétaires.

Après le pari financier perdu de la première guerre mondiale, la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis ont cru résoudre leur problème monétaire en prenant des gages sur l’empire allemand vaincu en 1918. Les dettes publiques et internationales adossées à la guerre ont donné l’effondrement financier mondial de 1929 et la deuxième guerre mondiale comme annoncés par Keynes en 1919 dans « Les conséquences économiques de la paix ».

En 1945, les États-Unis qui n’ont jamais pensé les conditions de la stabilité monétaire ont profité de leur super puissance pour étendre au monde la fuite en avant qu’ils pratiquent depuis leur indépendance. Les terres du Far West sur lesquelles était gagé la dette publique fédérale ont été remplacées par l’armée étatsunienne protégeant les investissements et les dividendes de la croissance économique dans le monde entier.

Jusqu’en 2008, le monde s’est désintéressé de l’adossement de la dette mondiale à l’économie mondiale. La dette publique étatsunienne n’a jamais été limitée par la mesure de l’actif mondial que l’État fédéral des États-Unis assure réellement.

Depuis l’effondrement des actifs subprimes dont la valeur réelle était massivement inférieure au prix des titres en dollar émis par le système bancaire mondial, la Réserve Fédérale et toutes les banques centrales sont en première ligne pour remplir le tonneau des danaïdes. Le capital et l’épargne réels n’étant plus suffisants pour faire la liquidité du système financier, les grands États étatsunien et européens émettent massivement de la dette publique hors des perspectives mesurables de croissance des recettes fiscales.

La rupture intervenue en 2008 n’est pas pleinement perçue par les opinions publiques et donc ignorée par les politiques. Les spéculateurs financiers en analysent et en décortiquent toutes les manifestations pour en tirer provisoirement de substantielles plus-values comptables. La rupture est dans la falsification des fondements matériels de l’état de droit. Pour cacher l’ampleur du désastre, la comptabilité des dettes est ouvertement falsifiée par des montages juridiques et fiscaux inconstitutionnels où les véritables emprunteurs sont dissimulés derrière les citoyens contribuables engagés malgré eux. Les banquiers centraux Paul Volker et Jens Weidman en ont fait l’aveu explicite aux États-Unis et en Allemagne.

La loi du Far West où toute dette non remboursable est à la charge du citoyen sans défense est la norme mondiale imposée par le dollar. Comme il n’y a plus ni terres vierges, ni mines d’or à ciel ouvert pour renflouer les caisses publiques et bancaires, le système financier siphonne directement l’économie réelle aux dépens des États, des services publics et des systèmes de protection des entreprises et du travail. La croissance économique est détruite à la source.

L’annulation de la fraction de la dette mondiale adossée à des actifs fictifs est inéluctable : elle implique un prélèvement exceptionnel sur le capital financier comptabilisé au passif des banques. Pour que ce prélèvement fiscal n’affecte pas la base économique réelle de la finance saine, il faut forcer les banques à dissocier leurs actifs toxiques de leurs actifs effectivement productifs.

La seule manière d’y parvenir est de réinscrire les banques dans le droit commun de la propriété ; donc de rétablir des frontières financières et fiscales entre des régimes de propriété distincts d’un État à l’autre ; donc de supprimer le régime du dollar et de l’euro comme monnaies uniques indistinctement nationales et internationales. La monnaie doit redevenir la matérialisation du Droit.

La mutation du dollar et de l’euro en monnaies communes régionales permettra la régulation des changes par les États à travers une fiscalité financière proportionnelle au risque de crédit des monnaies domestiques les unes par rapport aux autres et de la dette domestique par rapport à l’économie réelle. L’impérialisme monétaire qui a présidé à la fondation des États-Unis est moribond ; il ne sera remplacé que par une démocratie monétaire multinationale.

Démocratie monétaire signifie égalité des droits à l’emprunt et mutualisation internationale des réserves de change en garantie d’une même obligation universelle de rembourser ses dettes par des biens réels. La démocratie monétaire a un nom depuis 1944 : chambre de compensation en bancor. La finance est techniquement prête si la politique l’y oblige : il manque juste des hommes d’État qui prennent leurs responsabilités. Est-il indispensable que la guerre civile numérique se transforme en violences physiques à grande échelle ?

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