L’actualité de demain : LES MYSTÈRES DE FRANCFORT (*), par François Leclerc

Billet invité.

Le marché est nerveux, commentent ce matin les analystes, à la suite des précisions apportées hier par la BCE à propos de sa revue de qualité des actifs bancaires à venir. On le serait à moins : Mario Draghi a engagé une passe d’arme en déclarant à l’agence Bloomberg qu’il est nécessaire que quelques banques ne passent pas l’examen pour que cet examen soit reconnu crédible. En faisant planer cette menace, le président de la BCE veut forcer la main des autorités et obtenir la mise en œuvre d’un filet de sécurité constitué de fonds publics, afin de préserver les créanciers obligataires en cas de recapitalisation. Il ne saurait en être autrement, l’État doit éponger les dettes à leur place. Pour rassurer le marché, le banquier central l’inquiète d’abord, afin de faire pression sur les autorités européennes, en particulier le gouvernement allemand. Bon sang ne saurait mentir.

Dans la même veine, des assurances ont été données que la banque de Francfort n’allait pas refaire le monde en procédant à l’examen détaillé des bilans bancaires. On s’en serait un peu douté, car elle n’en a ni l’intention ni même les moyens ! Les modèles d’évaluation du risque des banques ne vont pas être mis en question, ils seront « harmonisés » en souvenir des énormes disparités de leurs résultats mises en évidence par la Banque des règlements internationaux, dont les travaux ne peuvent décemment pas être ignorées. Il ne faut pas qu’une tête dépasse. Tout au plus, 1% supplémentaire de fonds propres obligatoire va s’additionner aux prescriptions du Comité de Bâle, au titre du risque systémique entre banques atteintes de gigantisme, comme une sorte de solde de tout compte. Pour la méthodologie, on reste sur sa faim !

Il en ressort que l’exercice va être une nouvelle fois être très politique, au prix si besoin de quelques exemples, ne négligeant pas de susciter de petites frayeurs pour mieux rendre crédible une fausse sévérité, celle qui fait rire les petits enfants. Seule inconnue, le montage qui va devoir être élaboré afin d’impliquer les finances publiques dans le dispositif tout en sauvegardant les apparences pour que le futur gouvernement allemand de coalition ne soit pas dans l’obligation d’ouvertement se déjuger ; ses partenaires pressentis ont dans l’immédiat d’autres chats à fouetter avec les mesures d’un mini programme de relance ne disant pas son nom. Ils seront aidés dans leur réflexion par la propagation de rumeurs selon lesquelles Commerzbank (la deuxième du pays) et HSH Nordbank pourraient toutes deux ne pas passer l’examen de la BCE en raison de la valorisation trompeuse de leurs prêts dans le secteur de la construction maritime.

Tout cela ne nous dit pas comment va être traitée la dette souveraine, une question qui intéresse au plus haut point les banques espagnoles et italiennes (mais aussi françaises, très exposées en Italie). La BCE ne peut l’ignorer, car c’est avec ses crédits qu’elles ont acheté de la dette publique de leur pays, afin de stabiliser les cours obligataires et d’instituer une accalmie dans la zone euro, accréditant la propagande selon laquelle tout est en train de s’arranger. Une autre preuve imparable ? L’Espagne vient de sortir de la récession, la croissance du PIB ayant été de 0,1% au troisième trimestre, cela change tout !

Qu’il est dur le métier de banquier central, quand il faut faire le bonheur des gens malgré eux.

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(*) En hommage à Raoul Ruiz pour ses « Mystères de Lisbonne ».

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