Billet invité.
« Insupportable », « inhumain », « indigne », « effroyable », « scandaleux »…
Parle-t-on ici de la faim dans le monde qui frappe des millions de femmes, d’enfants et d’hommes dans le monde ? Ou de la pollution faisant suite à la « catastrophe » (liée à l’effondrement et aux impérities du système nucléaire) de Fukushima au Japon ? Ou même, pour se rapprocher du sujet, de l’augmentation des reconduites à la frontière depuis l’alternance politique ou des expulsions menées il n’y a pas si longtemps dans le même milieu scolaire, soi-disant « sanctuarisé » ?
Chacun peut se faire sa propre idée de ce que d’aucuns ont dénommé « l’Affaire Leonarda », à partir notamment des conclusions du rapport diligenté à ce sujet.
Mais lorsque des dirigeants ou des élus politiques montent en épingle un cas particulier, dont le caractère distinctif est l’erreur d’appréciation plutôt que l’illégalité et moins encore la brutalité, pour en faire un « sujet », pour se « payer un ministre », pour se donner le beau rôle, pour façonner les positionnements politiques avant les prochaines élections, on finit par faire les affaires du Front National, lequel a alors beau jeu d’entonner ses trompettes apocalyptiques sur l’immigration, la « reconquête » des frontières et « l’Europe-passoire ».
En lieu et place, nous aurions dû attendre de nos dirigeants et élus politiques qu’ils se comportent comme ils le devraient : en dirigeants et élus politiques. A savoir à interroger et mettre en perspective la question migratoire, celles passées, en cours et futures, mise en perspective aux abonnées absentes, celle des politiques économiques et financières internationales qui poussent à de telles migrations, celle aussi des coordinations européennes en la matière puisque les enfants dans ce cas particulier sont nés en Italie (la question de la nationalité se pose), celle enfin de la nécessaire scolarisation des enfants et des tensions que cela produit, lorsque les parents les instrumentalisent, avec le droit à ce que la famille ne soit pas séparée en cas de reconduite à la frontière.
En lieu et place, nous avons un ancien candidat à la présidentielle « exigeant » la démission d’un ministre et déclarant vouloir rendre M. Manuel Valls à Mme Le Pen.
Ce faisant, celui-ci se positionne sur le même type de discours que M. Copé, président de l’UMP, lorsque celui-ci parle de « FNPS », dans une tentative désespérée de se positionner sur les terres sémantiques du FN, espérant ainsi naïvement que cela protègerait son parti du siphonage en cours par le Front National.
Ce faisant, M. Mélenchon rend non pas M. Valls à Mme Le Pen, mais rend service au FN.
Lequel, alors même que son vieux fonds appert, n’en demandait pas tant.
En lieu et place d’une absence de réflexion sur des questions aussi sensibles, donnant lieu à toute les surenchères politiciennes pour diverses raisons dans un sens ou dans l’autre, qui finit par placer un Président de la République dans la posture hallucinante d’être en devoir de répondre à l’interpellation médiatique permanente sur un cas particulier, révélateur des paradoxes issus d’injonctions contradictoires sur l’immigration et l’intégration (obligation de scolariser les enfants, obligation de ne pas séparer les familles lors d’expulsions, obligation de faire respecter les décisions de justice quant à l’expulsion ou non selon les termes que définit la loi) et dont la réponse est pour le moins révélatrice de l’impasse actuelle des politiques d’individualisation au détriment d’une possible socialisation (retour d’un individu sans sa famille), extension s’il en est de l’idéologie libérale de l’individuation appliqué à l’immigration et à l’intégration, on aurait peut-être pu parler des conclusions du rapport Tuot.
Commandé en août 2012 et rendu en février 2013, ce rapport démembrait nombre d’idées reçues et proposait rien moins qu’un renouveau des politiques dites « d’intégration », lesquelles ont massivement échoué pour laisser place aux politiques d’immigration, à savoir essentiellement la gestion des flux migratoires.
Comme le déclarait dès la publication de ce rapport l’auteur, Conseiller d’Etat et ancien Directeur Général de l’ancien FAS (Fond d’Action Sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles) : « Je ne veux pas savoir si je vais être suivi sur la mesure B ou 24, je suis le premier à dire que mes suggestions ne sont pas forcément les bonnes. Ce qui me navrerait, c’est que le débat retombe. Le silence est ce qui est le plus grave après la xénophobie dans ce champ des politiques sociales ».
Le silence s’étant étendu depuis, que reste-t-il donc aujourd’hui ?
Force est de constater que les constats forts du dit rapport Tuot sont restés sans suites politiques, les gouvernants en place préférant, et de loin, la stabilité sur le sujet, en lieu et place de risquer un débat politique dans lequel la volonté politique de faire pièce aux thèses du Front National semble faire défaut.
Des idiots, utiles au Front National ? : « insupportable », « indigne », « effroyable », « scandaleux »…
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