Billet invité
Les États-Unis sont aujourd’hui encore à l’honneur dans l’actualité. Devant les caméras, Janet Yellen va être nommée à la tête de la Fed, mais derrière, les marchés se préparent au pire en se débarrassant des T-bills (billets de trésorerie) à court terme venant à échéance après le 17 octobre, ou en ne les achetant pas. La chute de la demande a entraîné une hausse brutale de leur taux. Les T-bills sont un élément critique assurant le fonctionnement du système financier, réputés sans risques et habituellement utilisés largement par les banques et les investisseurs comme collatéral pour les transactions des produits dérivés. Les investisseurs titillent la queue du dragon, comme disaient les scientifiques de Los Alamos en expérimentant la criticité (les risques de réaction en chaîne). Dans ce cas, cela a plusieurs fois mal tourné. Il n’en a pas fallu plus pour que se tienne hier une conférence téléphonique inopinée du Conseil de surveillance de la stabilité financière (FSOC), sous la présidence du secrétaire au Trésor Jacob Lew, qui a « discuté du message transmis aux régulateurs », selon le communiqué.
Les hedge funds étaient distingués ce matin par un éditorial du Financial Times, qui tirait une autre sonnette d’alarme. Le quotidien financier relevait que tout en offrant désormais des rendements moins spectaculaires, les hedge funds continuaient de se développer rapidement, sous l’impulsion des fonds de pension à la recherche de rendement pour honorer leurs engagements. Mais la situation se tend, car dans un jeu à somme nulle, les hedge funds se concurrençant entre eux, leur course au rendement devient globalement une course de lenteur. Il faut tailler dans ce monde-là pour qu’il retrouve de la vigueur, conclut le journal.
Si l’on commence à tailler, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Le total additionné des amendes que JPMorgan Chase serait susceptible d’encourir pourrait dépasser les 20 milliards de dollars, la liste des enquêtes, litiges et actions en justice s’allongeant au fil des semaines. Après avoir reçu le prix d’excellence de la gestion du risque, la chute est brutale ! À tel point que l’on en vient à se demander ce qui lui convient le mieux parmi les innombrables too big… qui ont fleuri : pour faire faillite ; pour être gérée ; pour aller en prison, et maintenant pour être sauvée… Il est même soulevé l’éventualité d’un découpage de ce monstre qui a grossi au fil du temps en absorbant les banques les unes après les autres, les dernières en date étant Bern Stearns et Washington Mutual. Suivant les normes américaines, la banque pèserait au bilan 2.000 milliards de dollars, mais le double selon les normes européennes qui intègrent l’exposition aux produits dérivés. JPMorgan sera-t-elle condamnée pour l’exemple ?
La Cour suprême a d’autres priorités. Trois ans après avoir supprimé pour les entreprises, les associations et les syndicats tout plafond à la participation au financement des campagnes électorales, elle se penche aujourd’hui sur l’extension de cette mesure aux particuliers, suite à la plainte de l’un d’entre eux qui souhaite aller au-delà des 123.000 dollars, limite actuellement autorisée. Les neuf juges s’interrogent si cela n’enfreint pas le premier amendement de la Constitution qui porte sur la liberté d’expression… L’un des juges, connu pour ses positions ultra-conservatrices, a déjà estimé que d’importantes donations n’étaient pas l’expression de la « corruption » mais de la « gratitude ».
À propos de la gratitude, à moins que ce soit l’expression d’un intérêt réciproque bien compris, Goldman Sachs en connait un rayon. La banque d’affaires vient de nommer Robert Zoellick, l’ancien président de la Banque Mondiale, à la tête de son comité de conseillers internationaux de 17 membres. Ce dernier a déclaré qu’il était attiré par cette fonction, car c’était « une excellente occasion de rester en contact avec les développements intervenant sur le marché et les investissements ». Cette nomination n’est toutefois qu’un aller et retour : avant de rejoindre la Banque Mondiale en 2007, Robert Zoellick était vice-président de Goldman. Parmi les conseillers, on trouve Otmar Issing, un ancien économiste en chef de la BCE et Lord Griffiths, un ancien conseiller de Margaret Thatcher. La création de tels comités devient monnaie courante au sein des mégabanques. On relève notamment que Bank of America a intégré dans le sien le français Thierry Breton, qui fut ministre des finances en France. « Oligarchie, vous avez dit oligarchie ? Comme c’est étrange ! ».
C’était une journée pas spécialement particulière…
@Paul Jorion « Il existe un tableau de Klee qui s’intitule Angelus Novus. Il représente un ange qui semble sur le…