L’actualité de demain : UN TRÈS GROS VILAIN DÉFAUT, par François Leclerc

Billet invité

Un défaut sur la dette américaine ? Vous n’y pensez pas ! Il reste cependant treize jours pour que le Congrès décide d’élever le plafond de la dette des États-Unis, faute de quoi ils devraient se trouver en situation de cessation de paiement. À moins que de petites réserves – dont l’existence est niée par le secrétaire d’état au Trésor – ne permettent de faire durer un tout petit peu le plaisir.

Les déclarations alarmistes pleuvent de partout, exprimant une inquiétude montante au fur et à mesure que l’échéance se rapproche, chacun ne pouvant s’empêcher de penser qu’un accord de dernière minute interviendra, quand la tension sera au paroxysme et l’obstacle devant le nez. Mais le doute s’insinue : « et si le scénario des fois précédentes ne se répétait pas ? ». Inutile d’épiloguer à ce sujet, même si, comme le rappelle Paul Jorion, la polarisation politique s’accentue aux États-Unis, rendant les compromis de plus en plus difficiles. Renouant dans un contexte fort différent avec le délire maccarthyste d’hier, les libertariens font à leur tour croisade contre le « socialisme » que représente l’assurance-santé, et pensent le moment propice pour faire reculer Barack Obama sur sa réforme.

Envisager les conséquences d’un défaut n’est pas superflu dans ces conditions. Sans omettre de le faire aussi si le plafond d’une dette de 16.700 milliards de dollars devait à nouveau être rehaussé, en se demandant jusqu’à quel niveau – et avec quelle contribution de la Fed – il sera possible de continuer à la financer. Les fuites en avant ne manquent pas, mais celle-ci est de taille, comme son bilan !

L’augmentation du taux de la dette consécutive à l’annonce que la banque centrale pourrait décélérer ses achats de titres a donné un avant-goût de ce qui pourrait se passer en cas de défaut. Une augmentation importante des taux serait difficilement supportable en raison de ses répercussions sur le marché obligataire mondial, augmentant les taux de la dette souveraine et des entreprises. Mais elle ne le serait pas davantage pour le système financier dans son ensemble, et pour les banques en particulier. La dette américaine est le pilier sur lequel le premier repose car ses titres sont jusqu’à maintenant réputés à risque zéro. Les secondes devraient enregistrer des pertes importantes, afin de prendre en compte la dévalorisation qui résulterait d’une hausse des taux des bons du Trésor qu’elles détiennent. Enfin, le dollar chuterait brutalement, faisant monter l’euro et les autres monnaies dans un contexte où il reste la principale monnaie dans les échanges commerciaux internationaux, pénalisant les exportations des pays dont la croissance en dépend.

La crise a débuté comme une crise de la dette, elle pourrait se poursuivre comme une crise des taux. C’est une des raisons pour lesquelles Jens Weidmann, le patron de la Bundesbank, a souligné, comme l’a expliqué ici Pierre Sarton du Jonchay, le danger qu’il y a à ce que les banques centrales financent les achats de titres souverains des banques, en réclamant que cela cesse (en s’opposant aux opérations du type LTRO). Ces titres n’offrent plus les garanties d’avant et sont au contraire susceptibles de précipiter une nouvelle crise bancaire. On a également vu comment la demande de collatéral de qualité grandissait sur les marchés, notant que la dégradation de l’offre en la matière ne pourrait qu’accentuer la pénurie redoutée. Mais si Jens Weidmann a raison de mettre en évidence ce dangereux mécanisme, il n’explique pas comment les États vont pouvoir continuer à financer leur dette sans le soutien des banques centrales et des banques, sauf à amplifier la politique de dévaluation interne qui est actuellement suivie, accompagnée le cas échéant par un choc de l’offre se concrétisant par des transferts financiers en faveur des entreprises et au détriment des particuliers, polarisant les différenciations sociales.

Le système financier fait face à une augmentation globale du risque, à laquelle il contribue en contournant une régulation n’allant pas au cœur des choses, tentant de limiter la baisse des rendements auquel il était accoutumé. Cela se traduit par une hausse des taux qui crée autant de problèmes que leur bas niveau précédent en a générés. C’est en ce sens que la crise est montée d’un cran et pourrait le faire de plusieurs d’un coup si les États-Unis faisaient d’aventure défaut.

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