Billet invité
« L’hôpital d’un champ de bataille ». C’est ainsi qu’un vice-président de Tepco, l’opérateur de Fukushima, a qualifié la centrale. Une nouvelle fuite d’eau contaminée d’un réservoir venait d’être découverte mercredi ! La liste des petits riens de beaucoup d’importance s’allonge. Un jour un rat provoque un court–circuit et stoppe le refroidissement d’un réacteur, un autre un réservoir recueillant l’eau contaminée se révèle finalement avoir été mal boulonné et 300 tonnes de celle-ci partent à la mer, un autre encore un morceau de plastique obture une canalisation de l’installation de décontamination (APLS) dont l’une des unités sur les trois existantes venait juste d’être remise en route après une panne intervenue en mars dernier (arrêtée, elle a depuis été remise en route mais elle ne filtre qu’une partie des radionucléides). Sur un chantier constitué à la hâte et dans l’improvisation, la fiabilité des installations est en cause.
L’opérateur gère en les pompant les suites du passage du dernier typhon et des pluies diluviennes qui sont tombées sur le site. Un incident lors d’un pompage a permis à 23 tonnes d’eau devenue contaminée à un niveau non déterminé de se déverser dans l’océan ou de pénétrer dans le sol (pour y aboutir ultérieurement). Un débordement de cette eau de la zone des 1.000 réservoirs qui est entourée d’un petit muret de 30 cms de hauteur avait été hier constaté, occasionnant un nouveau déversement dans l’océan d’une quantité cette fois-ci provisoirement estimée à 4 tonnes d’eau. La centrale est devenue une gigantesque éponge imbibée par l’eau contaminée qu’elle produit ; celle-ci continue d’être le principal vecteur de la contamination de son environnement, l’océan qui est son principal point d’aboutissement conservant ses mystères. Une campagne de mesures du césium de 60.000 points sur une étendue de 1.000 km2 va enfin être engagée, car les océanographes font état de courants côtiers qui pourraient faire obstacle à une dilution affirmée en favorisant la concentration, puis la contamination du sous-sol marin et de sa flore, se communiquant à une faune qui se déplace…
Un autre épisode s’annonce pour la mi-novembre, qui tient du Salaire de la peur, ce film de Henri-Georges Clouzot où des camionneurs transportaient de la nitroglycérine. À cette date pourrait commencer l’extraction des 1.533 assemblages de combustibles de la piscine de désactivation n°4, dont 1.331 sont hautement radioactifs. Les nouvelles installations d’extraction et la structure les supportant devraient être opérationnels, les précédentes ayant été détruites et pour partie tombées dans la piscine. Située en hauteur, la piscine a été considérablement fragilisée par l’explosion d’hydrogène qui a dévasté le réacteur et son enceinte de confinement. Il est prévu que l’opération prenne un an, devant être effectuée avec un maximum de précautions. Les assemblages ne doivent pas subir de chocs et être en permanence refroidis, faute de quoi un incident de criticité pourrait provoquer une réaction en chaîne de fission nucléaire. L’état des râteliers où il sont entreposés à côté les uns des autres à une distance destinée à prévenir tout criticité reste une inconnue, la grue tombée dessus pouvant avoir modifié ces paramètres, faisant alors obstacle à leur extraction. Un an à retenir son souffle, c’est long !
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