Billet invité
Visiter un salon de l’auto est toujours un exercice intéressant de sociologie appliquée. La visite du salon de Francfort ne fait pas exception à la règle, bien au contraire, l’organisation physique du salon et les messages délivrés par certains exposants ne laissent la place à aucune ambiguïté.
Organisé dans le pays de l’industrie automobile triomphante et relativement épargnée par le contexte difficile qui frappe les autres pays, le salon de Francfort pourrait être avant tout une autocélébration et un acte de foi. C’est bien plus que cela, la débauche de moyens et l’assurance affichée par les constructeurs haut de gamme sont le reflet d’une autre certitude, l’ordre du monde n’est pas prêt de changer.
Les riches d’un côté, le peuple de l’autre. Les trois constructeurs allemands de haut de gamme ont chacun leur pavillon dans lesquelles nous sommes invités à rentrer pour entre apercevoir le rêve. Après tout, le rêve n’est-il pas l’un des éléments moteurs de la fabrication du consentement ? Évidemment, cette séparation ne doit rien au hasard, il serait mal venu que la caste des seigneurs soit obligée de cohabiter avec la voiture du peuple…
À l’entrée du gigantesque stand Mercedes, un panneau informe le visiteur que la marque a créé l’automobile, rappel utile au visiteur que la richesse est avant tout une question d’histoire et d’héritage. Au-delà des véhicules, il y a le spectacle grandiose dont l’organisation millimétrée est un peu plus qu’une célébration. Rétrospectivement, ce show n’est pas sans créer un certain malaise, après tout, les grandes messes n’ont-elles pas été par le passé le prélude à une prise de contrôle totale ? La dernière séquence qui commence sur l’air de la folie (!!!) de « Lucia di Lammermoor » pourrait faire croire à un sursaut de bon goût avant que le remixage final façon rock rappelle que la richesse est aussi cet étalage « bling bling » qui laisse bien peu de place à la beauté.
Chez BMW, le circuit automobile (!) installé sur le stand où des voitures tournent inlassablement délivre un autre message : la légitimité repose sur une compétition où il n’est d’autres choix que d’être le meilleur parmi les meilleurs (encore que la forme du circuit peut rappeler à l’observateur attentif que cette compétition est sans issue), l’essentiel est bien d’être remarqué, sur la route, dans son entreprise ou dans la cité.
La crise, quelle crise ? Alors que les autres constructeurs dans leurs stands qui paraissent soudain bien étriqués essayent de trouver la formule magique pour réenchanter l’automobile et capter ce qui reste du maigre budget des individus, la richesse s’affiche sans complexes et sans doute aucun sur sa légitimité et son caractère immuable. Elle se laisse regarder mais s’enferme pourtant dans des forteresses inexpugnables qui pourraient bien être la métaphore, sinon la réalité du monde de demain.
C’est pas bien de se moquer ! Mango nous montre qu’elle perception on peut avoir de la gauche quand on…