Thomas Robert Malthus (1766 -1834) était convaincu que la capacité de notre espèce à se reproduire dépasse celle dont elle dispose à se nourrir. Les politiques visant à contrer ce fait supposé portent aujourd’hui le nom de « malthusianisme ».
Le père de Thomas, appelé Daniel, était un grand admirateur de Jean-Jacques Rousseau. Il avait élevé ses huit enfants selon les préceptes de l’Émile et se considérait d’ailleurs l’ami du philosophe. Ils eurent trois fois l’occasion de se rencontrer et l’une d’elles suivit de quelques semaines seulement la naissance de Thomas. Rousseau était alors accompagné de David Hume.
Daniel Malthus rêvait de s’attacher la présence constante du philosophe genevois, ayant loué pour lui une fermette dont il rêvait qu’il fasse sa demeure permanente. Celui-ci visita en effet l’endroit mais ne prit pas la proposition avec autant de sérieux que l’espérait son hôte en puissance puisqu’il répondit : « Je pense souvent avec plaisir à la ferme solitaire que nous avons vue ensemble et à l’avantage d’y être votre voisin ; mais ceci sont plutôt des souhaits vagues que des projets d’une prochaine exécution ».
Daniel Malthus souffrait de cette désinvolture, il écrivit un jour à Rousseau : « Est-il possible, Monsieur, que vous ayez reçu ma lettre, et que vous me refusiez les deux mots que je vous demandois ? Je ne veux pas le croire. Je ne donne pas une fausse importance à notre amitié […] Vous laissez dans le cœur d’un être semblable au vôtre une idée affligeante que vous pouvez ôter, le cœur qui vous aime si tendrement ne sait pas vous accuser ».
Si nous savons tout cela aujourd’hui dans ce degré de détail, nous le devons à John Maynard Keynes qui consacra à Malthus fils un long mémoire, texte d’une conférence initialement rédigée en 1914 et qui sera publiée en 1933 sous le titre « Thomas Robert Malthus ».
Keynes cite le passage suivant d’une lettre adressée par Daniel Malthus à Rousseau : « Je fais des grandes promenades avec mes enfants. Je passe plus de temps dans les chaumières que dans les châteaux du voisinage. Il y a toujours à s’employer dans une ferme et à faire de petites expériences. Je chasse le renard, ce que je fais en partie par habitude, et en partie parce que cela amuse mon imagination de quelque idée de la vie sauvage ».
Keynes commente malicieusement : « Par cette pensée exquise notre aimable hobereau chasseur de renards pouvait se représenter à ses propres yeux comme l’incarnation du Noble Sauvage de Rousseau ».
Keynes rapporte enfin un autre propos de Daniel Malthus en forme d’épitaphe : « Si jamais je suis connu, ce seroit sous le nom de l’ami de Rousseau », pour ajouter : « Et maintenant en ces quelques pages, je réalise pieusement ce vœu ».
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John Maynard Keynes, Essays in Biography, London : Macmillan, 1933
J’ai trouvé le point où Jorion et Thom divergent concernant PSI. C’est tout à la fin du chapitre XI :…