C’EST TERMINÉ !
Le prochain débat avec François Leclerc, qui portera sur la situation à Fukushima, sera ouvert ici mardi 3 Septembre de 11 heures à 14 heures.
Billet invité.
Sur le site de la centrale de Fukushima, des centaines de milliers de tonnes d’eau radioactive sont stockées dans un millier de réservoirs installés dans la précipitation au fur et à mesure des besoins, sur une aire défrichée et parcourue par plus de 4 kilomètres de tuyaux. L’ensemble est vulnérable aux secousses sismiques, les canalisations en vinyle au gel hivernal et les réservoirs en acier à la corrosion de l’eau salée qu’ils contiennent, leurs plaques étant souvent boulonnées et non soudées.
Cette installation ne cesse d’être agrandie pour accueillir quotidiennement 400 tonnes supplémentaires d’eau contaminée provenant du refroidissement des réacteurs. Rien n’est aujourd’hui en mesure de stopper la poursuite de ce stockage précaire, et le provisoire dure sans savoir ce qu’il va advenir de cette masse d’eau que l’opérateur ne parvient toujours pas à décontaminer. Les incidents se multiplient sur le site, le dernier en date étant la découverte d’une très forte contamination de 1.800 millisieverts/heure auprès d’un des réservoirs de 11 mètres de haut sur 12 mètres de diamètre, sans qu’aucune fuite ne soit détectée. Seuls 60 des 350 réservoirs de ce type sont équipés de jauges permettant de constater une baisse du niveau d’eau. Trois autres points chauds ont été découverts, le plus élevé culminant à 270 mSv/h. À titre de comparaison, les travailleurs du nucléaire japonais ne doivent pas dépasser une exposition à plus de 50 millisieverts annuels. On a également appris que, lors des précédentes mesures du 22 août dernier aux mêmes endroits, le seuil de 100 millisieverts/heure n’était pas dépassé, les instruments utilisés ne pouvant pas mesurer une contamination supérieure…
D’où provient cette contamination ? Où est localisée la fuite du réservoir ayant permis à 300 tonnes d’eau contaminée de se répandre sur le sol et d’y pénétrer ? Tepco n’est pas en mesure de répondre ni à l’une ni à l’autre de ces questions. L’opérateur est lui-même à l’origine d’un problème qui le dépasse totalement, ayant placé tous ses espoirs dans des installations de décontamination ne remplissant pas leur mission et connaissant des pannes à répétition. Une attitude de fuite en avant classiquement rencontrée chez les partisans de l’électronucléaire, dont l’un des credo est de ne pas douter que les problèmes dont on ne connait pas la solution seront résolus plus tard et à temps. La récupération des coriums en est le dernier exemple, après celui bien connu du sort réservé aux déchets nucléaires.
Des recours sont évoqués – celui d’une intervention de l’État japonais et d’experts internationaux – mais ceux-ci hériteront d’une situation ingérable et issue d’un enchaînement incontrôlé : la mutation de la centrale électrique sinistrée en une usine de production d’eau contaminée. Le danger ultime qui se profile est que partie ou totalité du site puisse se trouver contaminé à la suite d’une rupture de réservoirs occasionnant des fuites massives d’eau, créant un environnement pouvant imposer l’arrêt des travaux palliatifs en cours, y compris même le refroidissement des réacteurs… L’électronucléaire suppose de toujours prévoir le pire, comme Fukushima en est la démonstration, après l’avoir frôlé et alors qu’il le côtoie toujours.
Les responsables du démantèlement des centrales nucléaires aiment qualifier de plaisant « retour à la pelouse » leur objectif final, voulant ainsi signifier qu’ils se préparent à en effacer toutes les traces. Mais si ces opérations sont déjà très lourdes quand un réacteur a été arrêté et son combustible déchargé, que pourra-t-il en être à Fukushima, où trois coriums ont fondu et percé les cuves d’acier des réacteurs ? Le silence total observé sur ce sujet par l’opérateur renvoie à sa légèreté, partagée par le gouvernement japonais et les autorités nucléaires qui se gardent de le rompre. Ces derniers continuent de s’appuyer sur Tepco sans véritablement l’encadrer ; serait-ce parce qu’il leur est commode de disposer d’un échelon avec lequel ils peuvent prendre leur distance, leur évitant ainsi de se trouver en première ligne ? N’ayant d’autre ressource que de confier à l’incendiaire le soin d’éteindre le feu, une attitude rappelant celle qui est adoptée envers le monde financier dans un autre contexte ? La responsabilité de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’est pas moindre, se calquant sur la même attitude. Elle a admonesté le 28 août dernier l’autorité de régulation nucléaire japonaise en lui demandant d’adopter une stratégie de notation des incidents pertinente, laissant poindre un reproche d’alarmisme sous couvert d’une critique de la confusion de sa communication.
La communication, c’est ce qui est censé faire des merveilles quand tout le reste a été essayé. Les banques centrales en sont également réduites à cette extrêmité, si l’on veut poursuivre cet éclairant rapprochement. Mais la catastrophe de Fukushima n’a pas suscité d’assauts de storytelling, contrairement à celle de Tchernobyl, magnifiant à la soviétique l’héroïsme de ses liquidateurs sacrifiés. Faute de références, elle est vite disparue de la grande actualité car ne procurant pas d’appui à la narration dans une société japonaise trop méconnue. Et pourtant, on peut dès maintenant être assuré que la quatrième catastrophe de l’industrie électronucléaire est celle qui laissera le plus de traces indélébiles pour longtemps.
La crédibilité d’un démantèlement de la centrale, même devant durer 40 ans comme annoncé au doigt mouillé, s’estompe au fur et à mesure que les difficultés s’accumulent, avant même qu’il ne soit véritablement entamé. Mais en quoi pourrait donc consister un plan B ?
ACTUALISATION : « Il sera à un moment inévitable de mettre cette eau quelque part, dans l’océan ou ailleurs », a déclaré lundi 2 septembre Shunichi Tanaka, le président de l’autorité régulatrice nucléaire japonaise. « À condition, a-t-il précisé, que le niveau de contamination radioactive soit ramené sous la limite légale ».
En attendant que cette restriction puisse être levée, il ne reste plus qu’à espérer que l’installation de fortune tienne le coup, l’expérience acquise en termes de décontamination de l’eau à Fukushima n’incitant pas à l’optimisme sur le calendrier. Une restriction supplémentaire a toutefois été apportée par le président : cela pourrait ne concerner qu’une partie de l’eau. Mais il n’a pas précisé ce qu’il entendait par « ailleurs » pour l’eau qui ne serait pas déversée dans l’océan Pacifique.
DEUXIÈME ACTUALISATION : Une tornade a ravagé une banlieue nord-est de Tokyo, Koshigaya, à 220 kms au sud de Fukushima. Les maisons sont ravagées et menacent de s’effondrer. Des dizaines de blessés ont été dénombrés et des voitures renversées. Quels seraient les effets d’un tel phénomène imprévisible sur Fukushima et son champ de réservoirs ?
Le danger ne vient pas seulement de D.Trump, mais plus particulièrement de son ‘oligarque’ E.Musk, et l’on comprend mieux maintenant…