Billet invité.
En écho à la vidéo du 28 août : À nouveau au seuil d’une guerre mondiale.
Voici l’histoire… Un quart d’heure avant de prendre mon train, je commande un café. Voulant payer la serveuse immédiatement, je m’aperçois que je n’ai pas d’argent, ni dans mon portefeuille, ni dans mes poches. Je lui demande de laisser le café sur la table et je file au distributeur de billets à l’autre bout de la gare, maudissant mon étourderie, qui m’empêche de savourer tranquillement une petite pause.
A l’approche du distributeur de billets, je me demande soudain ce que j’ai fait de mon portefeuille et de mon téléphone portable, posés sur la table du café. Il me faut quelques secondes pour retrouver mon portefeuille dans mon sac, et mon téléphone dans la poche arrière de mon jeans.
Question : QUI les a mis à cet endroit ? C’est évidemment “moi”. Mais d’une part, je n’en ai aucun souvenir, et d’autre part, je trouve personnellement idiot de mettre mon portefeuille dans mon sac, et plus bête encore de fourrer mon portable dans mon pantalon.
On dira que, stressé ou distrait par une situation imprévue, je me suis emberlificoté. Oui, mais c’est un peu court. Le fait est que, soumis à une forme d’urgence, j’ai réagi par un comportement dont je n’ai pas pris conscience sur le moment, et dont ma mémoire n’a pas gardé la trace.
Ce qui est sûr, c’est que le Moi conscient, éduqué, intelligent dont je suis si fier n’aurait jamais, en temps normal, fourré son téléphone portable dans sa poche. Ce Moi-là trouve que les téléphones portables sont des cochonneries qu’il vaut mieux tenir le plus loin de soi possible. Il y a donc visiblement un autre Moi qui, lui, a appris à mettre rapidement les objets dans ses poches et dans son sac lorsqu’il doit partir précipitamment. Cette procédure d’urgence a dû être intégrée par ce Moi-là à un âge où les téléphones portables n’existaient pas… Par exemple à l’époque où c’étaient des cuberdons que je fourrais dans ma poche. Au fait, quand je dis “je”, de qui est-ce que “je” parle ?
Ce jour-là, à la Gare, tout s’est bien terminé. J’ai avalé mon café (un peu vite) et j’ai pris mon train… Mais j’avais été pris en flagrant délit d’in-conscience. Sur le coup, j’ai senti en moi une certaine compassion pour toutes les élites du globe qui développent en ce moment, dans l’urgence, le même type de comportements in-conscients… Qui prennent des décisions dans un état comateux ou hébété, comme moi-même confronté tout à coup à mon portefeuille vide… et ne savent plus un peu plus tard qui a fait quoi, dit quoi, mis quoi, où et comment…
Et j’ai pensé à cette phrase de Thucydide : “Il faut choisir : se reposer ou être libre.” Car c’est bien de ça qu’il s’agit : être le simple vecteur de comportements aveugles, inscrits en nous, ou être (au moins) témoins éveillés de ces comportements, avec le pari que la prise de conscience peut au moins les éclairer d’une lueur toute humaine.
Etre présent à soi-même, au monde, savoir ce qui est fait et qui le fait… Tâche pour les sages et les fous, religieux ou athées, joyeux ou désespérés… La Terre reconnaîtra les siens.
Grâce à la médiation numérique, les petits métiers restent une source de revenus (livreurs urbains, etc.) et peuvent, du fait…