Billet invité.
En lisant les deux billets LE VIVANT ET LE SOUFFRANT de Claude Lévi-Strauss, sur Rousseau et EXPRESSION SPONTANÉE ET STRATÉGIE EN FINANCE ET EN ÉCONOMIE de Paul Jorion, sur Keynes, il me vient le questionnement suivant sur l’empathie.
L’empathie se couple chez l’humain à une partie consciente de l’attitude : « que vais-je faire pour la/le convaincre ? Pour la/le séduire ? « , elle a une partie spontanée assez variable (tendant vers zéro le long du spectre autistique, ce que pourra commenter Paul Tréhin, auteur du billet LES ORIGINES DE L’ART ET DE LA CULTURE : le rôle des individualités) et une partie « négociée » lourdement médiée par la société, les règles de dialogue orales, la « nétiquette généralisée » si je peux en profiter pour faire d’une (récente) partie un tout.
Il me semble donc qu’il y a cette tension entre le spontané et le négociable dans l’empathie.
Si je me souviens bien du « principe des systèmes intelligents », la machine doit donner l’impression que le savoir est « négociable » pour paraître humaine (c’est du moins mon à-peu-près sur la question). Avec différentes formes de négociabilité (vigneronne ou plus calme).
Bien des frictions entre humains arrivent parce que nous saturons les canaux « négociables » de notre auditeur, en croyant pour son bien lui donner des informations utiles, alors qu’elles sont prises comme « imposées » de l’autre côté et ne sont plus ressenties comme négociables, c’est même au fond la réussite plus ou moins grande de ce processus (le fait qu’on continue de considérer comme encore négociable toute info) qui caractérise l’empathie.
Bref, dans cette petite-grande unification, on voit que outre la coupure d’avec l’empathie que génère la société et que ressent à sa façon Rousseau puis Claude Lévi-Strauss (et que commente aussi Richard Sennett dans les Tyrannies de l’Intimité sur le fait que la névrose du XIXe siècle est le résultat d’un excès de convention ininterprétable, cf. aussi sur Stendhal, ce matin sur France Culture, sa lettre à une jeune fille), on a mutatis mutandis une coupure avec l’empathie dans l’économie modélisée par les « anticipations rationnelles », dans la mesure où elle fait fi de cet aspect négociable de la fixation d’un prix ; le fait, autrement dit, qu’un marchandage se mène et s’évalue dans un contexte, avec les dispositions du vendeur et de l’acheteur, dispositions qui comprennent l’idée que se fait l’un des attentes de l’autre/ des autres.
Ce puzzle me paraît avoir pas mal de coutures communes. J’irais jusqu’à suggérer que les « normes » de Michel Leis sont les aspects localement invariants de ces négociations, qui mettent en jeu les attentes des classes sociales concernées (montrer ou non qu’on a la dernière voiture à la mode, etc.).
Je résume : le triangle spontanéité/calcul/négociabilité avec en son centre « l’être-humain » (« être » pris ici comme verbe) me paraît avoir des déclinaisons qui concernent tout autant le réseau mnésique que l’empathie ou la modélisation de l’économie et de la finance.
@Khanard Une métaphore pour bien mesurer la différence entre l’approche de PJ et celle de Thom. C’est Christopher Zeeman, un…