Billet invité.
On raconte une anecdote savoureuse à propos du peintre, graveur et dessinateur japonais Hokusaï. À plus de 70 ans, auteur d’une oeuvre considérable, reconnu et célébré, le voici qui aborde tout à coup sa pratique d’une manière entièrement nouvelle et confie : Tout ce que j’ai fait jusqu’à présent ne vaut pas grand chose ; je commence seulement à comprendre ce que signifie “dessiner”… Dans le même esprit, on lui attribue cette dernière phrase au moment de mourir (à 89 ans) : Cinq ans de plus et je serais devenu un grand artiste.
La faculté de changer de cadre, de revoir entièrement ses hypothèses, de modifier son approche d’une discipline alors même qu’on y a atteint une certaine maîtrise, qu’on est accepté par ses pairs et que l’on a ses entrées dans les temples du Goût, du Savoir ou du Pouvoir – cette faculté-là n’est pas très répandue. Elle est peut-être la marque de ceux et celles qui poursuivent une forme de connaissance ou de vérité qui les dépasse… et du coup cessent de voir en eux-mêmes leur propre fin.
Ce qui vaut pour les individus vaut également pour les groupes, les institutions, les nations, les empires, les civilisations… et pour l’espèce toute entière. L’Homo Sapiens Sapiens mériterait enfin son nom si, à la manière d’Hokusaï, il s’écriait un matin (par exemple ce matin) : Tout ce que j’ai accompli à la surface du globe jusqu’ici ne vaut pas grand chose ; je commence seulement à comprendre ce que signifie “être au monde”.
PJ cite pêle-mêle Adam et Ève puis Mama et Papa dans le chapitre X de PSI. Il me semble plus…