L’actualité de demain : LA PANDÉMIE DE LA DETTE, par François Leclerc

Billet invité.

Tiendront, tiendront pas ? Une course de vitesse semble engagée entre Angela Merkel et les pays d’Europe du Sud. Comme s’il était attendu que soit dépassé le cap des élections allemandes, une fois encore et faute de mieux, pour que des remèdes soient apportés à la lente progression de leur maladie. Car les espoirs les plus insensés se résument à bien peu de choses dans le médiocre conformisme ambiant.

À son tour, la crise politique portugaise reflète l’échec de la politique poursuivie envers et contre tout ; elle annonce un second plan de sauvetage en guise de sortie du premier, en mai prochain. Le bon élève de la classe ne tient pas ses promesses, à moins que ce ne soit plutôt le maître ! Le Portugal suit l’exemple du cancre grec, à nouveau promis au défaut de paiement en août prochain, si une nouvelle tranche de l’aide financière européenne ne lui est pas accordée par une Troïka qui constate, une fois de plus, que son plan de route n’est pas respecté (notamment le programme de privatisations). Pour l’éviter dans l’immédiat, il ne va pas y avoir d’autres solution que d’en effectuer le paiement au compte-gouttes, en attendant l’inévitable : une nouvelle restructuration de dette qu’Angela Merkel refuse encore d’admettre, rejointe par Jörg Asmussen de la BCE (qui la détient !).

L’Italie est en crise politique permanente, masquée par l’existence précaire d’un gouvernement de coalition de circonstance paralysé par ses contradictions. Les autorités tentent de présenter comme l’ayant en main une situation économique qui leur échappe, rappelés à l’ordre par la Confindustria – l’organisation patronale de l’industrie – qui dresse un tableau alarmant de l’économie sur fond de restrictions de crédit aux PME du pays et de diminution de la production industrielle. Quant au budget de l’État, il n’est toujours pas bouclé, faute d’augmentation des taxes ou de coupes dans les dépenses.

En Espagne, la lancinante crise bancaire se poursuit. Trois des quatre banques nationalisées viennent d’être dégradées par Moody’s et placées en catégorie « hautement spéculative ». De nouvelles aides financières gouvernementales sont inévitables pour un secteur bancaire sinistré, en dépit des 41,3 milliards d’euros déjà injectés et de la création d’une bad bank dans laquelle ces quatre banques ont transféré une première livraison d’actifs toxiques. Mais le taux de défaut sur les crédits immobiliers continue d’augmenter et la poursuite de la récession pèse sur l’activité bancaire. Le FMI demande aux établissements bancaires de se recapitaliser, mais les investisseurs ne se précipitent pas dans un contexte où le marché intérieur continue de régresser.

La brusque poussée du taux des obligations portugaises à 10 ans, qui a dépassé 8%, sonne comme un rappel à l’ordre : il a suffi de la démission de deux ministres portugais pour rompre la très fragile accalmie enregistrée ces derniers temps sur le marché obligataire européen, car tous les taux des pays de l’Europe du Sud se sont immédiatement tendus. Leurs sorts respectifs sont désormais étroitement liés, comme s’ils n’étaient plus appelés à tomber les uns après les autres dans le trou mais désormais à y plonger ensemble.

Les signaux d’alarme sur ce même marché de la dette ne manquent pas. Un autre a été donné outre-Atlantique, avec l’annonce du retrait massif des investisseurs de Pimco, le plus important fonds américain consacré aux obligations souveraines, suite à de médiocres et inhabituelles performances : près de 10 milliards de dollars l’ont quitté le mois dernier. Une réponse sans équivoque à l’annonce par la Fed qu’elle allait progressivement stopper la planche à billets, qui a été immédiatement suivie par une augmentation des taux obligataires, et donc une baisse de la valeur des titres détenus en masse par Pimco (qui en annonce d’autres, craignent les investisseurs). Le poids de la dette américaine s’en ressentira également, que les achats de la Fed soulageaient, et ce n’est pas la moindre des conséquences.

Un autre signal d’alarme, enfin, provient de Chine où il s’avère que la Banque centrale chinoise (BOPC) a des difficultés à reprendre le contrôle de la situation devant l’immensité de la bulle financière qu’elle a laissé se créer et face à l’indiscipline non seulement du secteur bancaire informel, mais également des banques nationales qui poursuivent sur leur lancée. Une partie importante de la dette ne pourra pas être remboursée, les investissements colossaux réalisés ne trouvant pas leur rentabilité, le secteur bancaire informel en subira les conséquences et les banques publiques devront être renflouées. Mais comment, une fois une maitrise relative retrouvée, passer rapidement d’une croissance alimentée par les liquidités de la banque centrale et favorisant une mauvaise allocation des fonds à un développement économique ayant comme assise la consommation intérieure ? Les changements structurels que cela impose pourront-ils être effectués au rythme qui serait nécessaire ? Faute de ceux-ci, un atterrissage en catastrophe de l’économie n’est pas à exclure.

Il ne manquerait plus que le gouvernement japonais rate son audacieux pari et que la Banque du Japon finisse à son tour par stopper la planche à billets. Quelle conclusion les investisseurs du grand marché mondial en tireraient-ils, si les marchés boursiers et les marchés obligataires cessaient simultanément d’être porteurs ?

 

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