Réflexions pour un mouvement néodémocratique (V) – L’alternative à venir entre néo-autoritarisme et néodémocratie, par Francis Arness

Billet invité.

Le néo-libéralisme comme fonctionnement systémique est dans les faits soutenu par la politique du gouvernement français. C’est ce que l’on constate si l’on fait abstraction des ruses de ses leaders et des espoirs sincères mais naïfs des ministres sans véritable pouvoir exprimant la nécessité d’une autre politique. Dès lors, le néo-libéralisme sévira encore dans les prochaines années, y compris si nécessaire sous la forme, utile à l’obtention de la majorité des suffrages, d’une « union nationale », ou plutôt d’une grande coalition entre les néo-libéraux pseudo-sociaux du centre-gauche et du centre-droit actuels, et les néo-libéraux plus assumés de droite. A moins d’un effondrement du système toujours possible à tout moment, ce sera alors la continuation de l’effondrement rampant qui a lieu actuellement en France et en Europe. Ce réel contredira toujours plus ce que nous « montrent » les nombreux indicateurs économiques – pas tous – au caractère trompeur. Le néo-libéralisme devient injustifiable et le sera toujours plus. À terme, aucune majorité ne pourra être élue en cas de compromis avec le néo-libéralisme. Le système – et sa logique de concentration des richesses et du pouvoir – cherchera une autre manière de se décliner et de se justifier. La seule forme possible sera le néo-autoritarisme, puisque seul ce dernier pourra lui permettre de perpétuer la concentration des richesses et du pouvoir.

De manière rampante mais effective, nous nous orientons vers l’alternative – en Europe tout autant qu’en France – entre néo-autoritarisme et néodémocratie. Comme l’ont noté différents auteurs (parmi lesquels Emmanuel Todd [*] et Jean-Luce Morlie), se déploiera à court ou moyen terme une tentative néo-autoritaire qui seule permettra aux classes dirigeantes de faire perdurer la concentration des richesses et le pouvoir qu’elle donne à ceux qui en bénéficient, tout en permettant d’obtenir le soutien voire l’assentiment passif d’une partie significative de la population. Un tel néo-autoritarisme réalisera ouvertement l’autoritarisme larvé de notre démocratie de basse intensité. Cet autoritarisme larvé se décline dans la surveillance généralisée des communications révélée dernièrement au grand public, ou dans les interdictions faites il y a quelque temps à Paypal, Mastercard et Visa de recevoir les donations à Wikileaks. S’il advient, ce néo-autoritarisme sera mis en place par l’appareil d’Etat, par les institutions dominantes, par la majorité des classes dirigeantes et responsables. Il sera aussi soutenu ou accepté passivement – sous prétexte du moindre pire – par une partie importante, si ce n’est majoritaire, de la population. En France, ce néo-autoritarisme pourra s’appuyer sur la tradition et sur l’imaginaire bonapartistes, encore vivaces à droite. Au niveau de sa justification, il prendra différentes formes : plus d’extrême-droite, nationaliste et ethniciste ; ou plus mâtinée de bons sentiments – par d’anciens centristes et socialistes, comme Emmanuel Todd en fait l’hypothèse – et plus favorable à l’Europe politique. Il reste que, malgré ces désaccords, nous pouvons faire confiance aux classes dirigeantes et responsables et à la partie de la population versant dans un tel néo-autoritarisme, pour se mettre d’accord et réaliser une forme efficace de défense de la concentration de la richesse et du pouvoir.

Or le grand tournant économique et civilisationnel ne peut avoir lieu que grâce à un tournant néodémocratique qui est la seule réponse féconde au tournant politique que nous sommes en train de connaître. Nous devons construire un mouvement néodémocratique véritable, prenant acte du réel de notre situation, et cherchant à opérer une transformation économique et politique, sociale et écologique, et peut-être aussi existentielle, qui permettra qu’ait lieu le grand tournant nécessaire.
L’effondrement économique ne va faire que s’approfondir, et, à moins d’une politique véritablement inventive et stabilisatrice permettant d’éviter le pire à court terme, et de poser les bases pour un véritable mouvement néodémocratique de renaissance des sociétés européennes, ce sera la tentation autoritaire qui, à moyen terme, prendra le dessus.

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(*) Emmanuel Todd, Après la démocratie, Gallimard, 2008 ; Jean-Luce Morlie, La domination qui vient.

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