Billet invité.
J’ai établi une dichotomie assez claire entre l’hystérèse, c’est à dire le « sublime » ou l’« apriorisme » de Kant (théorie pure), le « réel » de Marx (à partir de Hegel) et Lacan (le « Néant » de Sartre et de Hegel, le « sujet qui fâche » de Žižek, etc.), et le processus aliénant de l’ontologie.
L’épistémologie ou la philosophie des sciences consiste à partir de la théorie pure (apriorisme) pour en faire un processus ontologique aliénant universel et nécessaire. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’épistémologie « marxienne » de Popper, von Mises et Hayek.
Popper propose de prendre la théorie pure (métaphysique) ce qu’il appelle « réalisme », qui n’est ni démontrable, ni vérifiable puisque par définition il échappe à tout processus ontologique (de symbolisation), c’est ce que l’on peut appeler « idéologie », et faire de cette théorie pure un processus ontologique qui conférera à la théorie un caractère scientifique.
C’est la raison pour laquelle ce qui traduit le passage de la métaphysique à la science est ce processus d’ontologisation ou de « falsification » ou infirmation. C’est là la logique de la science ou le caractère formel ou ontologisant de la science. Popper ne reprend-il pas dans La connaissance objective (1972), une formule de Marx quand il dit que la théorie est le produit de l’activité humaine (apriorisme) qui transcende et aliène ensuite son propre créateur (processus ontologique).
Ce que Popper désigne par la question de l’induction n’est rien moins que la question du passage de l’a priori au formel : c’est la fameuse dichotomie ou démarcation entre la métaphysique versus la science. On retrouve cela avec Kelsen et la théorie pure du droit où la théorie pure, à savoir la norme fondamentale, devient un processus ontologique qui confère « la positivité » à toute loi ou à tout acte juridique. Tout comportement anormal et apositif est un comportement qui résiste à ce processus d’ontologisation.
La théorie de l’idéal-type obéit à cette logique où la théorie pure devient un principe ontologisant de typification qui permet de qualifier les comportements « atypiques » qui échappent au processus aliénant de l’ontologisation. La praxéologie de von Mises procède aussi de ce caractère a priori et formel de la science : on part de la théorie pure (axiome non démontrable et invérifiable puisqu’il échappe à tout processus ontologique) et on transforme cette idéologie en principe ontologique aliénant. C’est ce que Marx appelle « le noyau rationnel » (de l’apriorisme) sous l’écorce mystique ou fétiche du processus ontologique de l’aliénation. Même Hayek a recours à cela si l’on pense à « Economics and Knowledge » (1936) où la théorie, pure « apriorisme », devient un principe aliénant d’ontologisation. Il est assez significatif que le titre d’un des opus de Žižek soit L’objet sublime de l’idéologie (1989) : on comprend aisément que le caractère sublime fait référence au caractère « a priori » (kantien) de l’idéologie qui devient un processus ontologique d’aliénation. On comprendra plus généralement l’idéologie comme émanant d’une minorité (apriorisme) pour s’imposer à une majorité (processus ontologique de l’aliénation).
Il en ressort une conclusion d’une importance cruciale pour notre propos qui vise à démontrer que le fait que la liberté est réservé à une élite s’identifie à un processus ontologisant. « La discipline de la liberté » selon Hayek, rappelle le « Arbeit macht frei » nazi : preuve supplémentaire de l’analogie entre le néo-libéralisme, le fascisme (et le nazisme).
Ayant relu La Route de la Servitude (1944) ma conviction est désormais faite que le néo-libéralisme proposé par Hayek peut être plus prosaïquement appelé « fascisme » ou « nazisme ».
Ma conviction s’appuie sur le révisionnisme de la pensée libérale engagée par Hayek, en tant qu’historien des idées, qui vise à débarrasser le libéralisme de son volet qui nourrira Marx (les critiques de l’exploitation formulées par Smith, Ferguson, et d’autres). La liberté se réduit ainsi à une idéologie mise au service d’une classe privilégiée.
Hayek affirme que le socialisme qui mènera au fascisme et au nazisme est une théorie débarrassée de son noyau marxien (donc libéral et démocratique selon Hayek) : révision du marxisme (programme de Gotha, etc.). Le néo-libéralisme est pareil au fascisme ou au nazisme qu’Hayek qualifie de « socialisme à rebours » (lutte de classe contre les ouvriers qui bénéficient des protections sociales privilégiées : ce qui est exactement la critique formulée par Hayek lui-même dans ce livre, au chapitre intitulé « Sécurité et liberté »).
Moi non plus. C’est une vision anglaise. « L’idée tordue de la paix de Trump – céder un quart du territoire…