DORIS DAY

À l’époque où j’autorisais les commentaires – parce que Julien avait encore tout son temps à lui – et que je faisais un billet spécial sur, disons, Pat Patterson, la merveilleuse chanteuse américaine des années cinquante, vous écriviez : « Ah ! j’ai eu un coup au cœur en voyant votre post, parce que j’ai cru que cela voulait dire que Pat venait de mourir ! »

Si Pat était morte depuis dix ans, vous n’auriez jamais eu – soyez honnête – de pensée pour elle. De même, si elle coulait en ce moment une vieillesse paisible dans une maison de retraite de Pacific Palisades. Mais l’idée qu’elle « vienne » de mourir vous aurait fait à vous, et à nous tous d’ailleurs, un choc. C’est cette transition entre le « encore avec nous » et le « plus avec nous » qui fait toute la différence. J’en ai parlé en février au Théâtre du Rond-Point : la compossibilité est essentielle à nos yeux, et la fin de la compossibilité nous force au deuil : nous avons soudain cessé, Pat et nous, de pouvoir exister simultanément : nous la verrons encore, mais jamais plus en concert, ni même en chair et en os.

Les quatre grands-parents de Doris Mary Ann Kappelhoff – toujours en vie, et plus connue sous le nom de Doris Day – étaient Allemands. Nul n’a cependant mieux incarné qu’elle les États-Unis de la fin des années cinquante et du début des années soixante. Excellente chanteuse de grand orchestre en tout début de carrière, avec Les Brown, Harry James ou Paul Weston, son image a souffert ensuite (auprès des gens sérieux Art et Essai comme vous et moi) des rôles nunuches dont elle se fit une spécialité au cinéma. A contrario, le rôle grave qui est le sien, d’une mère à la recherche fébrile de son petit garçon kidnappé, dans L’homme qui en savait trop (1956) de Hitchcock, film où elle chante Que sera, sera, que nous sifflotons encore tous, cinquante ans plus tard, sous la douche matinale ou vespérale.

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